Bonne nouvelle pour une IDEL….alors que la CPAM lui avait notifié un indu et que le litige s’était retrouvé devant le TASS puis devant la Cour d’Appel, l’indu ne sera pas recouvré : la mise en demeure (envoyée 2 mois après la notification d’indu) n’était pas signée par le Directeur de la CPAM, mais par un anonyme qui avait apposé sa griffe au bas de la lettre ….
La procédure est une question primordiale dans tous les contentieux.
Un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 14 juin 2017 statue sur un point intéressant, même si la solution n’est pas nouvelle. Nous remercions tout particulièrement l’infirmier qui se l’est procuré lui-même au greffe et qui nous l’a fourni.
L’arrêt déboute la CPAM de sa demande de paiement d’un indu, parce que la mise en demeure adressée à l’infirmière, n’a pas été signée par le Directeur de la CPAM ni par le Directeur adjoint ayant reçu délégation.
Rappelons (R133-9-1 al 2 C.S.S. ) que cette mise en demeure doit être envoyée 2 mois après la notification d’indu.
La mise en demeure était signée par un technicien qui n’avait pas écrit pas son nom….
Il est permis au Directeur de la CPAM de donner délégation de signature, mais encore faut-il savoir à qui, donc avoir au moins le nom du délégataire, confronter ce nom avec celui du signataire, et prouver cette délégation.
Ici aucune délégation n’a été fournie par la CPAM. Cela tombe sous le sens car il est impossible de donner délégation à un anonyme. Donc le signataire n’avait pas le pouvoir de signer et la CPAM n’a d’ailleurs jamais pu fournir son nom, même a posteriori.
La personne qui a signé n’ayant pas les pouvoirs, la mise en demeure est nulle. Et faute de mise en demeure préalable, les fonds ne peuvent pas être recouvrés par la CPAM.
Je ne parvenais point à protéger ma patte qui trempait toujours dans l’encre, et mes premiers traits d’écriture, tracés avec la patte autant qu’avec la plume, ne manquèrent pas d’être un peu épais. Des gens mal informés pourraient ainsi voir dans mes manuscrits du papier tâché d’encre. Mais les génies devineront sans peine le matou génial dans ses premières œuvres.
Ernest Theodor Amadeus Hoffmann, « le chat Murr »
Cette solution avait déjà été consacrée par un arrêt de la Cour de Cassation du 20 septembre 2012 N°11-23609 dans le cadre d’une notification d’indu adressée à une clinique. Une mise en demeure avait été adressée à la clinique, mais cette mise en demeure n’était pas signée du directeur de la CPAM et aucune délégation de signature n’était produite. La Cour de Cassation avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel de ROUEN.
On retrouve cette jurisprudence dans un jugement du T.A.S.S. des Pyrénées Orientales du 12 février 2010, clinique X ./. CPAM, jugements 20800717, 20800283 et 208000679 rapporté seulement sous forme de sommaire dans la revue « FHP MCO » du 15 juillet 2010.
L’absence de mise en demeure, suivant une solution classique depuis 1989, empêche tout recouvrement de cotisations de la part d’une Caisse d’assurance sociale. Cette solution est transposable au cas des « indus » : comme le rappellent les décisions précitées, ainsi que la circulaire interministérielle N°DSS /2B/4D/2010/214 du 23 juin 2010. La mise en demeure préalable est nécessaire au recouvrement.
La solution dégagée est donc claire. La nullité de cette mise en demeure empêche le recouvrement.
On notera qu’à part cela l’arrêt de la Cour d’Appel d’AIX du 14 juin 2017 continue d’appliquer l’axiome 2AIS3=1H00, devenu habituel.
Ici l’infirmière avait fini par indiquer des horaires de « travail ». Il en découlait qu’elle « travaillait » 12H00 par jour (voir à ce sujet notre précédent article sur la durée de « travail » d’un libéral, et sur la durée des AIS3). La Cour d’Appel d’AIX en PROVENCE lui applique alors mécaniquement l’axiome 2AIS3 = 1H00 pour dire que l’infirmière ne pouvait facturer plus de 24 AIS3 par jour.
Il ne faut donc pas présenter comme une « règle » le chiffre de 34 AIS3 par jour relevé dans des arrêts de la Cour de Cassation (notamment 7 mars 2017 voir l’article « Durée des AIS 3 – le temps suspend son vol »). Tout dépend de l’«interrogatoire » de l’infirmier qui va indiquer combien d’heures il « travaille ».
A noter enfin que la Cour d’Appel n’annule pas la notification d’indu en elle-même. Seule la mise en demeure est annulée, ce qui selon la Cour empêche à ce jour le recouvrement des sommes réclamées par la CPAM. Mais il reste que l’infirmière est limitée à 24 AIS3 par jour.
Enfin l’arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence du 14 juin 2017 rejette l’argument de l’infirmière, qui invoquait le non-respect de la procédure prévue en matière de contrôle médical (L 315-1 et suivants du code de la Sécurité Sociale).
La Cour rejette cet argument au motif que le contrôle était ici un contrôle administratif et non un contrôle de l’activité paramédicale de l’infirmière. Cette distinction pose de vraies questions qu’il serait trop long de développer ici et qui seront abordées dans d’autres articles.
Catherine Marie KLINGLER
Avocat – Barreau de Paris