une affiche vintage d'une infirmière de la 2ème guerre mondiale sur fond de croix rouge et au-dessus la mention "HELP" (Au secours)

Après être tombée dans une bouche d’égoût dont la plaque avait basculé sur son passage (c’est un cas plus fréquent qu’on ne le croit), la malheureuse avait contracté une infection nosocomiale à la clinique V.C. (toute ressemblance ou similitude avec des personnages existants ne pourrait être que fortuite). Elle avait dû interrompre son activité pendant près d’un an, et conservait une raideur du genou.

Les responsables étaient d’une part la société chargée d’entretenir les plaques, et d’autre part la clinique.  La plus grande partie du dommage était causée par l’infection nosocomiale, qui avait entraîné un long arrêt de travail.

Lorsqu’un dommage a plusieurs causes et qu’il existe plusieurs responsables, chacun doit indemniser la victime en proportion de la gravité de la faute qu’il a commise (et non en proportion des conséquences de chacune des fautes).  Mais les choses se compliquent car il existe des responsabilités dites « sans faute » , ce qui signifie qu’il n’est alors pas nécessaire d’avoir commis une faute pour être responsable. Il n’y alors pas de « faute plus grave » puisque personne ne s’occupe , dans ce cas, de savoir si une faute a été commise.

Et justement  la responsabilité pour infection nosocomiale est une responsabilité pour laquelle il n’est pas  nécessaire de démontrer l’existence d’une faute (L1142-1 du code de la Santé publique).  Il en va de même pour la responsabilité du fait de la plaque d’égout (responsabilité du fait des choses, art.1384 du code civil).

En pareil cas, la règle est que les deux responsables « sans faute » doivent se partager la charge du préjudice à parts égales.

La Cour d’Appel avait oublié ce principe.

Dans un élan d’équité, et voyant que l’infection nosocomiale était à l’origine du plus long arrêt de travail, elle avait estimé devoir mettre à la charge de la clinique V.C.  la majeure partie du préjudice. C’était oublier que si l’infirmière n’était pas d’abord tombée dans les égoûts, elle n’aurait pas non plus été hospitalisée et n’aurait donc pas contracté d’infection nosocomiale. Et ce qui peut sembler « juste » peut aussi sembler faux si on le voit sous un autre angle.

La Cour de Cassation, dans un arrêt du 13 novembre 2014,  casse l’arrêt et rappelle la règle de Droit, qui est en l’occurrence un partage à parts égales entre deux responsables « sans faute ».

Une autre question était soulevée, celle du préjudice.

L’infirmière avait 59 ans et la clinique prétendait qu’elle n’avait qu’à reprendre l’exercice de sa profession (après un an d’interruption , et avec un genou raide…). Elle avait évidemment perdu tous ses patients. Qu’à cela ne tienne, disait la clinique, elle n’a qu’à se reconstituer une clientèle….

Les juges ont estimé  qu’il était illusoire de prétendre qu’elle reconstituerait sa patientèle. Ils décident donc de lui allouer une somme qui représente ses revenus moyens multipliés par le nombre d’années qui lui restait à travailler jusqu’à sa retraite, soit une somme de 178.750EUR (basée sur des revenus annuels de 30.000EUR).

Une autre méthode aurait consisté à capitaliser (suivant une table de capitalisation) les pertes de revenus et l’éventuelle perte de retraite consécutive, mais il faut croire que le calcul était moins favorable puisque l’infirmière avait choisi une simple multiplication : revenu annuel X années restantes jusqu’à sa retraite.

Elle obtient gain de cause plus de 10 ans après sa chute !

Observons pour finir que cette infirmière malchanceuse a fait une chute le 30 juin 2003 et qu’elle a obtenu gain de cause le 3 juillet 2013, soit plus de dix ans après, par la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE. Elle a du ensuite se défendre sur un pourvoi en Cassation diligenté par la clinique (ou plus vraisemblablement par sa Cie d’assurances) et l’affaire ne s’est terminée que par l’arrêt de la Cour de Cassation du 13 novembre 2014. On espère qu’elle avait perçu des provisions sur son préjudice ou qu’elle bénéficiait d’une assurance.

Catherine Marie KLINGLER
Avocat au Barreau de Paris.

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