AIS3 :  la fin d’un long combat ?

AIS3 :  la fin d’un long combat ?

infirmière pointant une horloge en regardant l'interlocuteur

L’ancienne cotation AIS3 qui correspondait à une «  séance de soins infirmiers par séance d’une demi-heure à raison de 4 maximum par 24 heures » a donné lieu à un énorme contentieux des infirmiers libéraux contre les Caisses depuis presque 10 ans, relativement à la durée de cet AIS3.

Ce contentieux AIS3 «  de la demi-heure »  s’essouffle et touche peut-être à sa fin puisque cet acte (ouf !) n’existe plus.

Le contexte

Dès 1961, dans  la « revue économique »,  Georges Rösch , utilisait déjà l’expression de «  consommation médicale » (revue économique 1961, 12-2 page 295).   Le but clairement énoncé était de « considérer la médecine comme un secteur économique majeur, ….et lui appliquer les méthodes générales d’observation et d’analyse économique ».

La maladie, les soins, seraient donc analysés en termes d’ « offre » et de « demande ». C’est ainsi que nous sommes devenus des « consommateurs de soins ». Et déjà l’auteur écrivait : « le nombre de consommateurs et des besoins de consommation s’accroissent : non pas parce que le nombre des malades augmente….. mais parce que s’accroissent les possibilités de soigner ».

Tout est dit dans cette phrase :  s’il y a beaucoup (trop ?) de possibilités de soigner les patients, la consommation de soins augmentera, et par suite les dépenses de l’assurance maladie.  L’abondance des possibilités de soins serait-elle, donc, la source de tous les maux ? (ou en tout cas celle du fameux « trou de la Sécurité Sociale » qui fait partie de notre paysage depuis plus de 50 ans ?).

La « CSBM » (« Consommation de Soins  et de Biens Médicaux ») était née et allait ensuite être dotée d’un « observatoire » qui rendrait annuellement des statistiques.

Le virage AMBULATOIRE : essor des soins de ville et donc des soins des IDEL

En 2015 nous « consommions » trop de dépenses d’hospitalisation. Afin de limiter les dépenses des hôpitaux, une limitation de la durée d’hospitalisation a été progressivement mise en place. On pouvait lire dans « Le Particulier » du 3 juillet 2015 :

« Afin de réaliser une économie de 3 milliards d’euros sur 3 ans, l’Assurance Maladie vient d’émettre une vingtaine de propositions dans ans un rapport présenté à son conseil d’administration. Parmi elles, figure le « virage ambulatoire », qui consiste, chaque fois que c’est possible, à écourter ou à éviter les séjours en milieu hospitalier, tout en offrant des services au patient au plus près de son domicile.».

L’ennui, c’est qu’en raccourcissant les hospitalisations,  les dépenses de soins de ville ont alors augmenté, et parmi celles-ci les dépenses de soins infirmiers prodigués par les IDEL. La nouvelle priorité a donc été de « serrer » les dépenses de soins de ville.

Les infirmiers furent les premiers à en faire les frais, car ce sont eux essentiellement qui maintiennent les patients à domicile ; or leur cotation est complexe et sujette à interprétation. Ce fut le début d’une traque sans fin.

Les AIS3

Les AIS3 furent créés après une négociation avec la profession infirmière, afin d’éviter aux infirmiers de faire des comptes d’apothicaires (ceci sans vouloir faire de l’esprit).

Cette cotation globale leur évitait de compter chaque acte, sachant que le prix du 2ème est compté à 50% et que le 3ème, ainsi que les suivants, est gratuit (les infirmiers sont sans doute la seule profession qui soit tenue de fournir des  services gratuits).

La durée des AIS3

Alors que l’article de la NGAP, relatif aux AIS3, tend à créer un plafond de durée maximum de soins remboursables (2H00 par jour),  les Caisses eurent l’idée d’ imposer progressivement que ces séances AIS3  devraient durer une demi-heure minimum chacune.

Par magie, un maximum se transforma en minimum. Cette idée permit de récupérer des millions d’EURO en quelques années. Heureusement, il apparut assez vite qu’il n’était pas possible de déclarer « gratuite » une séance de moins d’une demi-heure… mais la 2ème demi-heure semblait intouchable, sacrée, et rapidement s’installa l’idée que pour compter 2AIS3 il fallait rester une heure, ou encore « presque » une heure, en tout cas pas ¾ d’heure, ce qui finalement revenait à exiger peu ou prou que l’infirmière reste 2 X 1/2H pour pouvoir compter 2 AIS3.

L'interprétation des Caisses

Une véritable campagne de communication s’est créée pour asseoir l’idée que l’infirmier devait passer au moins  ½ heure chez le patient pour pouvoir facturer 1 AIS3, et en tout cas un temps proche d’une heure pour pouvoir facturer 2 AIS3.

Cette interprétation est contraire au texte puisque la NGAP mentionne :

 » La cotation forfaitaire par séance inclut l’ensemble des actes relevant de la compétence de l’infirmier réalisé au cours de la séance, la tenue du dossier de soins et de la fiche de liaison éventuelle « 

Le  dossier de soins (désormais, la plupart du temps, sur une application), est souvent complété après la séance chez le patient. Il n’est donc pas possible d’exiger une présence chez le patient d’une demi-heure minimum, puisque l’AIS3 comprend des diligences faites ailleurs que chez le patient. Pourtant les Caisses en ont décidé autrement.

Les Caisses ont d’abord utilisé leur informatique surpuissante pour faire la chasse aux infirmiers qui accomplissaient « trop » d’AIS3 dans l’année. Elles furent qualifiées de « suractives » ou « hyperactives » . Progressivement, l’idée fut admise qu’il ne fallait pas réaliser  plus de 34 AIS3 par jour. Parfois même ce seuil était plus bas dans certaines régions, sans que l’on sache pourquoi.

Des articles de presse tapageurs ont été publiés dans toute la France. Les titres étaient à peu près toujours de ce style : « l’infirmière prétendait travailler 30 heures par jour ». Des campagnes de communication stigmatisaient les infirmiers « hyperactifs ».

Combiné avec la limitation du nombre d’infirmiers par zone, la limitation du nombre de séances de soins AIS3 par infirmier et par jour diminue le nombre total de séances de soins que l’on peut « consommer » dans un  périmètre géographique donné. C’est tout simplement une diminution de l’offre de soins. Ainsi la prophétie implicite de la revue économique de 1961 était-elle accomplie.

L'évolution des décisions de justice

Les Caisses avaient commencé par notifier des indus au regard d’un nombre d’AIS3 annuels trop important, sans faire de détail. Le procédé fut d’abord jugé illicite dans le dossier d’un infirmier chanceux (Cour de Cassation Criminelle 10 décembre 2013 12-87457)  mais aussitôt jugé totalement licite pour un autre infirmier moins chanceux,  4 mois plus tard (Cass. Criminelle 2 avril 2014 13-81063)….ô Justice variable….

Ce fut l’époque des « transactions » signées par des infirmiers avec la CPAM, au vu d’évaluations statistiques de leurs indus par la CPAM . La signature des infirmiers  était obtenue lors d’un entretien « confidentiel », en faisant état d’un possible contrôle qui ferait ressortir encore plus d’indus. Certains se sont ainsi ruinés sans jamais avoir su si réellement ils avaient fait tant d’actes en trop (CA de RENNES chambre 2 , 6 juin 2014 13/04165). Peu de juridictions ont osé dénoncer ces méthodes et les « statistiques »  mises en avant par les Caisses (CA BESANCON, chambre sociale 31 aout 2018 17/02138).

Des juridictions pénales continuaient encore de se débattre et d’estimer plusieurs fois (Cour d’Appel de Lyon, 28 juin 2018 n°17/01283, et 19 septembre 2018 N°17/01710) , que « la tarification est d’un AIS3 si la séance dure moins de 30 minutes, un second AIS3 pouvant être facturé si la séance dure plus de 30 minutes, dans la limite de 4 par jours».

Cette position était encore tenue par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation   7 MARS 2017 15-84.391, 235 PUBLIE sur LEGIFRANCE (motifs adoptés : « L’acte AIS 6, doit être compris entre 30 et 60 minutes »).

Mais les juridictions sociales (anciens T.A.S.S)  et leur juridiction suprême (les chambres civiles) se sont, elles, inclinées de plus en plus fort devant la position des Caisses (CASS. CIV2 17 décembre 2015 14-29007 :

« s’agissant de séances d’une demi-heure, selon les termes de la NGAP il ne saurait être admis que soient facturées deux séances d’une demi-heure dès lors que la trente cinquième minute est atteinte »

La palme revient à la Cour d’Appel d’AIX EN  PROVENCE dans une décision  (14ème chambre 29 juin 2016 n°14/24359) qui énonce :

« Certes, le seuil journalier de 34 AIS3 équivalant à 17 heures de travail payées, n’est mentionné ni dans la NGAP, ni dans aucun texte réglementaire ou conventionnel.

Toutefois, et afin de garantir la qualité des soins dispensés à des patients particulièrement dépendants, de nombreuses caisses primaires ont décidé de fixer une limitation quotidienne variant selon les départements.

Ces décisions n’ont jamais fait l’objet de recours pour excès de pouvoir, et de nombreuses juridictions judiciaires ont déjà validé une limitation à 34 AIS3 par jour, hors temps de trajet, en considérant qu’une amplitude de 17 heures était « parfaitement raisonnable ».

La « décision » de fixer le maximum d’AIS3 à 34 par jour n’a jamais été une  « décision », encore moins « administrative ». Cette  «limitation « ,  « variant suivant les départements » ( !) était un simple  argument de récupération d’ « indus » qui était invoqué dans tous les contentieux. Il  ne pouvait donc  pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, pas plus qu’il n’est possible de faire cuire du beurre en broche. Mais la Cour trouvait ainsi le moyen de transformer un argument de la CPAM en une règle administrative, ce qui lui permettait de se dire impuissante à la critiquer.

Dans un arrêt du 21 septembre 2017 16-21.330 publié, la  Cour de Cassation persistait ensuite  à adopter ce seuil, parce qu’il était « raisonnable » .

Toutes les affaires pendantes devant la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, même celles où les indus avaient été annulés pour des problèmes de procédure, furent perdues en Cassation puis en cour de renvi sur la question de la durée de l’AIS3  (CASS. Civ 2 9 juillet 2020, 10-12572) . En cour de renvoi, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE condamnait tous les infirmiers (CA AIX ch4-8 28 mai 2021 n°20/09360), et continuait sur sa lancée (CA AIX CH4-8 19 novembre 2021, 20/07279) ; suivie en cela par bien d’ autres (Cour d’appel de Rennes, 9e chambre securite sociale, 5 juillet 2023, n° 20/04640).

Conclusion

Feu l’AIS3 a vécu. Des millions d’EURO ont sans doute été récupérés grâce à la rédaction peu claire de la NGAP. Toutes les affaires ne sont cependant pas encore jugées. L’enjeu a désormais diminué puisque cet acte a été supprimé de la NGAP.  Peut-on rêver, dans ce nouveau contexte, d’une solution différente, libérée de toute considération qui ne serait pas strictement juridique ? A suivre (ou pas).

Catherine Marie KLINGLER
Avocat au Barreau de Paris

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La distribution de médicaments à des personnes atteintes de troubles cognitifs est-elle un acte remboursable ?

La distribution de médicaments à des personnes atteintes de troubles cognitifs est-elle un acte remboursable ?

des gélules éparses au milieu desquelles se trouve une carte VITALE

Depuis le 18 juillet 2019 (attention, entrée en vigueur différée, voir art.5 du texte) , cela ne fait aucun doute, à condition que ce soit par voie orale, la distribution de médicaments à de tels patients est remboursée. La nomenclature infirmière a été modifiée et il est désormais possible de coter AMI 1,2 l’acte ainsi désigné (la nouveauté est en gras) :

Administration et surveillance d’une thérapeutique orale au domicile des patients présentant des troubles psychiatriques ou cognitifs (maladies neurodégénératives ou apparentées) avec établissement d’une fiche de surveillance, par passage.

Attention, il s’agit bien d’une thérapeutique par voie orale et il n’est pas possible de demander aux organismes sociaux de rembourser si l’infirmière met du collyre à un patient, ou lui applique une pommade. Ces actes-là ne sont tout simplement pas remboursés.

Avant l’entrée en vigueur de la réforme du 18 juillet 2019 :

La nomenclature ne prévoyait la cotation (AMI1) que pour les patients atteints de troubles psychiatriques.

Administration et surveillance d’une thérapeutique orale au domicile des patients présentant des troubles psychiatriques avec établissement d’une fiche de surveillance, par passage.

On sait combien est périlleuse la prise de médicaments d’un patient Alzheimer, qui est capable (déjà vu, hélas) d’avaler une pastille du lave-vaisselle à la place d’un comprimé, s’il n’est pas assisté d’un soignant.

Mais pour les Caisses, et donc pour ce qui concerne la question du remboursement, peu importe. Ces dernières années, certains organismes sociaux avaient notifié des indus en rafale, afin de faire rembourser aux infirmiers les actes correspondant à des administrations de traitement à des patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou d’autres formes de démence liées à l’âge, ou encore de troubles cognitifs.

Le motif : l’ordonnance ne mentionne pas que le patient est atteint de troubles psychiatriques.

Certaines caisses, plus puristes encore, argumentaient longuement sur la différence entre troubles psychiatriques et troubles cognitifs. Et lorsque les infirmiers produisaient des attestations du médecin, les Caisses invoquaient « l’intangibilité de la prescription » (un moyen bien commode pour refuser toute preuve a posteriori émanant du médecin).

La distinction demeure dans les contentieux portant sur des soins antérieurs à l’entrée en vigueur de la réforme du 18 juillet 2019

Certains de ces contentieux sont encore en cours actuellement, s’agissant de soins d’avant le 18 juillet 2019.

Il est donc important de signaler au moins deux décisions, l’une du tribunal de grande instance pôle social (ex-TASS) de NEVERS le 3 mai 2019 et l’autre, à la suite, de la Cour d’Appel de DIJON le 4 juillet 2019. Elles apportent un rai de lumière dans l’univers du contentieux de la cotation.

Troubles psychiatriques/troubles cognitifs :

Devant le Tribunal de Grande Instance de Nevers (on a attendu que la décision soit définitive pour la commenter), la Caisse faisait partie des « puristes ». Elle avait soutenu que les distributions de traitements (par voie orale) à des patients atteints de troubles cognitifs n’étaient pas remboursables car ces patients n’avaient pas de « troubles psychiatriques ».

L’infirmière invoquait de nombreux articles scientifiques qui établissaient que les troubles cognitifs pouvaient être une composante de troubles psychiatriques, et elle faisait aussi remarquer que la nomenclature devait évoluer. Il était aussi produit de nombreux « mementos » de différentes Caisses, assimilant troubles psychiatriques et troubles cognitifs.

Le tribunal, lui, juge tout simplement qu’ »il est médicalement établi que les troubles cognitifs rentrent dans la catégorie des troubles psychiatriques »….

Devant la Cour d’Appel de Dijon, c’est une autre Caisse qui, elle, admettait d’emblée que les troubles cognitifs doivent être assimilés aux troubles psychiatriques…. C’est un des nombreux cas où bizarrement on a vu que la règle change d’une région à l’autre…

A noter, et ceci avait été plaidé à Nevers, que de nombreux « guides de facturation » édités par les Caisses elles-mêmes à l’usage des infirmières, reprennent depuis longtemps l’idée que, pour la distribution de médicaments, les troubles cognitifs sont assimilés aux troubles psychiatriques (mémo infirmiers de l’assurance maladie de Vendée, mémo de l’URPS de Dijon par exemple).

C’était déjà vrai à Dijon. A Nevers, il a fallu que le juge l’écrive.

Un personnage issu d'un epeinture du XIXème siècle : un homme jeune avec des yeux hagards se tient la tête avec les mains exprimant une tension nerveuse forte.
une infirmière en blouse blanche avec un dossier dans les mains. SUr sa bouche deux morceaux de sparadrap rouge forment une croix, exprimant le secret médical

C’est ce que soutenaient les Caisses dans ces deux affaires. Or évidemment la pathologie du patient ne figure jamais sur une ordonnance ! A fortiori s’il s’agit de troubles psychiatriques ou cognitifs.

On regrettera que ni le tribunal de Nevers ni la Cour de Dijon, comme cela était proposé, n’aient repris la liste des mentions « obligatoires » des ordonnances ou des prescriptions médicales. Ils en auraient conclu que la pathologie du patient n’a pas à être mentionnée sur une ordonnance.

Quel dommage aussi de lire dans l’arrêt de la Cour d’Appel de Dijon que « Mme Y ne peut justifier sa facturation en invoquant le secret médical opposé par certains médecins alors qu’en application de l’article L.162-1-7 du code de la sécurité sociale, la prise en charge ou le remboursement par l’assurance maladie de tout acte ou prestation réalisée par un professionnel de santé, est subordonné à leur inscription sur une liste établie dans les conditions fixées au présent article, l’inscription sur la liste pouvant elle-même être subordonnée au respect d’indications thérapeutiques ou diagnostiques, à l’état du patient ainsi qu’à des conditions particulières de prescription, d’utilisation ou de réalisation de l’acte ou de la prestation ; que l’article 10 susvisé impose bien la mention des troubles psychiatriques, la mention de troubles cognitifs étant tolérée par la caisse  ».

Ces affirmations procèdent d’une confusion…. Il n’appartient pas à la NGAP d’imposer des mentions sur les ordonnances. Les mentions obligatoires sur les ordonnances relèvent du code de la santé publique, du code de la Sécurité Sociale ou de la déontologie du médecin. L’art.10 (NGAP) « n’impose » évidemment pas la mention des troubles psychiatriques sur l’ordonnance. Et les ordonnances n’ont pas (ou pas encore) à reproduire la nomenclature infirmière. Simplement en cas d’absence de ces troubles, les soins ne sont pas remboursables. Mais la preuve de ces troubles est un fait juridique et elle est donc libre (comme le relèvent d’ailleurs les deux décisions).

Libre, mais pas tout à fait, car le fait que le patient soit atteint de troubles psychiatriques relève du secret médical, ce qui semble avoir été bien oublié dans ces deux décisions.

Le juge de Nevers écrit que « contrairement à ce que soutient Madame X, en l’absence de mention sur la prescription de l’existence de troubles psychiatriques, il n’appartient aucunement à la caisse de rapporter la preuve de leur inexistence, de tels troubles n’étant pas présumés ».

Il appartiendrait donc à l’infirmière d’apporter la preuve, à des employés administratifs de la Caisse, que ses patients souffrent de troubles mentaux ou cognitifs….

Si c’est le cas, alors certains principes fondamentaux sont semble-t-il oubliés… Car si l’infirmière a mal qualifié les soins, la preuve de cette mauvaise qualification devrait aussi bien peser sur la Caisse puisque c’est elle qui l’invoque. C’est un grand principe rappelé à l’art. 9 du code de procédure civile : « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».

Il ne devrait donc pas peser sur l’infirmière seule d’apporter la preuve (en violant, qui plus est, le secret médical) qu’elle a bien soigné des patients atteints de démence ou de troubles cognitifs….. C’est à celui qui invoque un indû d’en rapporter la preuve et ceci est vrai dans les litiges avec les infirmiers (Cass soc 26 juin 1997 95-21093, Cass soc 9 décembre 1993 , 91-14182, et encore 91-14319 du 10 mars 1994 et 97-11141 du 1er avril 1999).

Et surtout, c’est là le plus grave, cela signifierait que l’état des patients peut et doit être révélé à des employés de services administratifs. C’est une violation manifeste de règles fondamentales. Le secret médical existe, et s’agissant d’un contrôle administratif et non d’un contrôle médical, les administratifs de la Caisse ne doivent pas avoir accès au dossier du patient et n’ont donc pas à savoir s’il est atteint de troubles, et lesquels. Seul le service du contrôle médical a accès à ces informations (R315-1-1 code de la Sécurité Sociale).

Pauvres patients, dont les secrets n’ont plus de secret !

Charlton Heston dans le rôle de Moïse montre à ses disciples les Tables de la Loi. Extrait du film de Cecil B. De Mille "Les 10 commandements"

Le principe dit de l’intangibilité de la prescription

Les infirmières avaient fait établir des attestations par les médecins qui indiquaient que tels patients étaient atteints de troubles cognitifs au moment des soins. Les Caisses avaient alors aussitôt invoqué l’argument-leitmotiv de l’ « intangibilité de la prescription ».

Cet argument est mis à toutes les sauces et la formule est si belle qu’elle est souvent accueillie par les tribunaux sans que personne n’énonce cette vérité de La Palice : un médecin qui atteste de l’état d’un patient au moment des soins ne lui prescrit rien, et donc s’il ne prescrit pas il ne fait pas de prescription. Il ne porte donc pas atteinte à l’intangibilité de la prescription qu’il a faite lui-même puisqu’il n’y ajoute rien…

Le juge de Nevers et , à la suite , la Cour d’Appel de Dijon, ont énoncé ce qui relève du bon sens : le médecin qui écrit que les patients X, Y et Z étaient atteints de troubles cognitifs lors des soins ne fait pas une nouvelle prescription. Il ne porte donc pas atteinte à une prescription qu’il a établie antérieurement. L’infirmière peut donc parfaitement apporter la preuve que les patients étaient atteints de troubles psychiatriques ou cognitifs au moment des soins, en produisant une attestation d’un médecin datée de 2 ans après.

Le principe de l’intangibilité de la prescription signifie d’ailleurs simplement que nul autre que le médecin ne peut modifier ou commenter son ordonnance, mais rien ne devrait empêcher le médecin lui-même de préciser ce qu’il a prescrit. C’est ce qui avait été plaidé à Nevers. Et le juge de Nevers décoche une excellente formule (à l’instar de la célèbre botte) qui explique de manière limpide ce qu’est la fameuse « intangibilité de la prescription » : « la prescription médicale ne peut être rédigée que par le médecin prescripteur et ne peut en aucun cas être modifiée ou faire l’objet d’annotations de la part d’une infirmière en vertu du principe de l’intangibilité de la prescription médicale, ce qui n’exclut pas que des précisions puissent être apportées par le médecin prescripteur. »

Il faut lire ces deux excellentes décisions car beaucoup de questions ont été posées aux juges, et aussi bien le jugement de Nevers que l’arrêt de Dijon contiennent d’excellentes réponses…. et font naître encore d’autres interrogations.

Catherine Marie KLINGLER
Avocat au Barreau de Paris

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Du nouveau pour les indemnités horokilométriques des infirmiers…

Du nouveau pour les indemnités horokilométriques des infirmiers…

une photo en noir et blanc d'un enfant d'environ 5 ans, qui a sur la tête une couronne de papier avec 2 oreilles et la mention "ANE" . Il pleure et s'essuie les yeux avec sa main repliée.

La Cour d’Appel d’Aix en Provence donne une leçon magistrale sur la définition de l' »agglomération » pour le calcul de ces indemnités. 

Dans un arrêt du 5 décembre 2018, la Cour d’Appel d’Aix en Provence sanctionne l’interprétation erronée de la CPAM des Bouches du Rhône à propos de la notion d’« agglomération » dans la nomenclature.

Il s’agit, on l’aura compris tout de suite, de la question de savoir si l’on peut, ou non, facturer des indemnités horokilométriques pour se déplacer au domicile d’un patient éloigné de plus de 2 kms et qui est dans une autre « agglomération » que le cabinet, mais que veut dire « agglomération »?

Quand doit-on considérer que l’on est dans une autre agglomération ?

Cela paraît tout bête, mais il a fallu que la Cour se livre à une reconstitution textuelle minutieuse  pour répondre à cette question.

La CPAM prétendait qu’il n’y avait pas changement d’agglomération dès l’instant qu’il y avait des constructions à moins de 200m les unes des autres, et ceci quelle que soit la commune dans laquelle on se trouve.

Pour la Cour d’Appel, ce n’est pas exact.

Dès l’instant que l’infirmière franchit le panneau à fond blanc et à listel rouge  (non, SVP, il ne s’agit pas d’un vin ! le listel est la petite ligne tout autour  du panneau), elle entre dans une nouvelle « agglomération » . A partir de ce moment, les indemnités horokilométriques  s’appliquent (pourvu que l’on soit éloigné de plus de 2kms du cabinet de l’infirmière).

Tous les infirmiers qui vivent une interminable journée d’itinérance pour porter secours à des patients plus ou moins éloignés connaissent l’art.13  de la NGAP.

un panneau de signalisation routière d'une départementale (D 36) avec le nom du village sur fond blanc avec un liseré rouge :"TRECON"

Article 13. – Frais de déplacement pour actes effectués au domicile du malade

Lorsqu’un acte inscrit à la nomenclature doit être effectué au domicile du malade, les frais de déplacement du praticien sont remboursés, en sus de la valeur propre de l’acte ; ce remboursement est, selon le cas, forfaitaire ou calculé en fonction de la distance parcourue et de la perte de temps subie par le praticien.

  1. A) Indemnité forfaitaire de déplacement (IFD)

Lorsque la résidence du malade et le domicile professionnel de l’auxiliaire médical sont situés dans la même agglomération ou lorsque la distance qui les sépare est inférieure à deux kilomètres en plaine ou à un kilomètre en montagne, l’indemnité de déplacement est forfaitaire. La valeur de cette indemnité forfaitaire de déplacement est fixée dans les mêmes conditions que celles des lettres clés prévues à l’article 2.

  1. C) Indemnité horokilométrique (IK)

Lorsque la résidence du malade et le domicile professionnel du praticien ne sont pas situés dans la même agglomération et lorsque la distance qui les sépare est supérieure à 2 km en plaine ou 1 km en montagne, les frais de déplacement sont remboursés sur la base d’une indemnité horokilométrique dont la valeur unitaire est déterminée dans les mêmes conditions que celles des lettres clés prévues à l’article 2.

L’indemnité horokilométrique s’ajoute à la valeur propre de l’acte ; s’il s’agit d’une visite, cette indemnité s’ajoute au prix de la visite et non à celui de la consultation. Pour les actes en AMI, AIS, I’ indemnité horokilométrique se cumule avec l’indemnité forfaitaire prévue aux paragraphe A. Elle est calculée et remboursée dans les conditions ci-après :

1° L’indemnité due au praticien est calculée pour chaque déplacement à partir de son domicile professionnel et en fonction de la distance parcourue sous déduction d’un nombre de kilomètres fixé à 2 sur le trajet tant aller que retour. Cet abattement est réduit à 1 km en montagne et en haute montagne.

2° Le remboursement accordé par la caisse pour le déplacement d’un praticien ne peut excéder le montant de l’indemnité calculé par rapport au praticien de la même discipline, se trouvant dans la même situation à l’égard de la convention, dont le domicile professionnel est le plus proche de la résidence du malade.

une file de chameaux traversant un désert de sable

En clair, des indemnités horokilométriques (IK) peuvent être facturées si les deux conditions cumulatives sont réunies :

  1. le patient et le cabinet ne sont pas situés dans la même agglomération
  2. entre le cabinet et le patient il y a plus de 2 km en plaine ou plus de 1 km en montagne.

Mais l’infirmier ne peut jamais facturer plus que la distance entre le domicile du patient et le cabinet de l’infirmier installé au plus proche du domicile du patient.

Les indemnités horokilométriques doivent être calculées « en étoile » en fonction du cabinet de l’infirmier et du domicile des patients, avec comme seule limite la distance entre chez le patient et le cabinet le plus proche existant.

L’année 2016 avait été marquée par le combat des infirmiers de montagne en Savoie. 1/3 de leur chiffre d’affaires étaient composé d’indemnités horokilométriques. 

La CPAM avait voulu leur imposer un mode de calcul inédit qui n’est pas celui de la NGAP. Selon la CPAM locale, les kms ne devaient plus être mesurées « en étoile » autour du cabinet de l’infirmier, mais de patient à patient….

Il semble que la pugnacité des syndicats et du collectif local d’infirmiers ait suspendu cette initiative plus que malheureuse de la CPAM de Savoie, cependant le mal était fait puisque d’autres CPAM ont essayé de suivre l’exemple, et il n’est pas dit que cela ne recommence pas.

des flèches de différentes longueurs, disposées en étoile, en partant d'un point fixe central

Un autre moyen de réduire considérablement les indemnités horokilométriques est l’application par les organismes sociaux d’une définition extensive de la notion d’« AGGLOMERATION ».

A partir de quand le domicile du patient n’est-il plus situé dans la même « agglomération » que le domicile professionnel de l’infirmier ?

Qu’est ce qu’une « agglomération » au sens de la NGAP ?

Jusqu’à présent, pour les organismes sociaux, la définition de l’agglomération était celle de l’INSEE ( voir en ce sens la réponse du 8 décembre 2015 à une question 6886 posée à l’Assemblée Nationale). Personne ne remettait en question cette interprétation des Caisses.

Au sens de l’INSEE, une agglomération est une « unité urbaine » c’est-à-dire une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200m entre les constructions) et qui compte au moins 2000 habitants.

Cela comprend donc les « villes isolées » mais aussi les « agglomérations multicommunales ».

Mais alors, cela signifierait qu’un infirmier peut parcourir 30kms tout en étant dans la même agglomération, si des communes se succèdent collées les unes aux autres, comme cela arrive de plus en plus. Et dans ce cas il n’y aurait aucune indemnité horokilométrique quelque soit la distance parcourue….

Même les médecins se sont émus de cette définition. Car avec l’émergence des « villes nouvelles », les médecins de campagne se trouvaient dans la même situation que les médecins des grandes métropoles : quelque soit le nombre de kms parcourus, ils se trouveraient toujours dans un même tissu urbain, donc dans une même agglomération au sens de l’INSEE (lien vers un article de la Fédération des Médecins de France : « les IK vont-elles bientôt disparaître » ).

Dans un arrêt du 5 décembre 2018,  la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE rejette l’interprétation de la CPAM sur la notion d’agglomération et procède à une analyse textuelle magistrale  de  la notion d’agglomération au sens de l’art.13 de la NGAP.

Pour ce faire la Cour d’Appel remonte jusqu’à l’arrêté du 4 juillet 1960   qui a mis en place l’art.13 relatif aux indemnités horokilométriques et  qui n’a jamais, pour ce qui concerne la définition d’agglomération, été modifié, malgré les textes successifs qui ont modifié d’autres points.

Or dans ce texte il est précisé en note de fin de page qu’une agglomération « désigne tout groupement d’immeubles bâtis, rapprochés sinon contigus, bordant l’un ou l’autre côté de la route et lui donnant l’aspect d’une route (art.1ER du décret N°54-724 du 10 juillet 1954 relatif à la circulation routière ) ».

Et ce décret du 10 juillet 1954 a été repris dans l’art. R110-2 du code de la route  qui définit  l’agglomération.

Une agglomération, selon l’article R 110-2 du code de la route désigne un espace sur lequel sont groupés des immeubles bâtis rapprochés et dont l’entrée et la sortie sont signalées par des panneaux placés à cet effet le long de la route qui le traverse ou qui le borde.

panneaux d'agglomération, illisibles car criblés de balles. Inutile de dire que c'est en Corse !

Pour l’application de la nomenclature ce n’est pas la définition de l’INSEE qu’il faut retenir mais celle de l’art.R110-2 du code de la route, complété par l’art.R1 qui indique comment sont matérialisées les entrées et sorties d’agglomération.

Il faut donc bien regarder les panneaux (enfin quand ils sont lisibles).

La Cour rappelle même qu’une commune (exemple Lançon de Provence) peut comporter plusieurs agglomérations.

La CPAM, du fait de cette notion d’agglomération, voit rejeter sa demande d’indu de 4687,20EUR et est même condamnée à payer une somme de 1500EUR à l’infirmière, en participation sur ses frais d’avocat.

Il faut dire que la Caisse Primaire avait été assez maladroite puisqu’un de ses représentants avait déclaré, lors d’une réunion publique du 27 septembre 2017, que l’agglomération se définissait par les panneaux d’entrée et sortie …. Pour venir ensuite prétendre le contraire à l’occasion d’une demande d’indû contre une infirmière.

Plusieurs témoins (vraisemblablement des infirmières) avaient entendu ces dires et en avaient attesté par des attestations écrites versées aux débats.

Cette importante décision pourrait changer le mode de calcul des indemnités horokilométriques, pour lequel jusqu’alors la plupart des infirmiers s’inclinaient devant la définition de l’INSEE, prônée par les Caisses. Voilà de quoi redonner vie aux charmants panneaux qui nous indiquent les noms des villes, villages, et « agglomérations », et qui nous rappellent tant de souvenirs.

Catherine KLINGLER
Avocat au Barreau de Paris

une sorcière en métal, chevauchant une rose des vents. La sorcière est sur son balai, elle a un menton qui pique en avant, un nez crochu .. et un chapeau pointu !

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La CPAM condamnée à payer une indemnité aux infirmières qu’elle poursuivait injustement

La CPAM condamnée à payer une indemnité aux infirmières qu’elle poursuivait injustement

En attente d’une cotation spécifique, la pompe à insuline doit être traitée et cotée comme une perfusion sous-cutanée…..

Dans un dessin de Tintin, le capitaine Haddock crache sur un lama qui venait de lui cracher dessus, à la surprise de Tonton et du chien Milou.

Dans un jugement du 13 février 2018, le tribunal des affaires de Sécurité Sociale du LOIRET pose le principe que la pompe à insuline doit se voir appliquer la cotation des perfusions sous-cutanées, jusqu’à ce qu’il existe un article spécial de la NGAP sur les pompes à insuline.

Et il condamne la CPAM à payer à chacune des infirmières une somme de 500 EUR pour les indemniser des frais de procédure.

La CPAM prétendait qualifier ces actes d’AMI 1. De plus, selon la CPAM, au bout de 15 jours de soins, ce n’était plus remboursable. Donc les patientes à moitié aveugles n’avaient qu’à se débrouiller seules avec cet appareil pour qu’il délivre les bonnes doses à la bonne heure.

La pompe à insuline est un dispositif électronique qui administre de façon continue de l’insuline et qui permet de programmer des ajouts d’insuline avant chaque repas ou en cas d’hyperglycémie. L’insuline est contenue dans le réservoir relié à une ligne d’infusion (tubulure), elle-même reliée à une canule qu’on place sous la peau. Cela ressemble donc à s’y méprendre à une perfusion sous-cutanée.

La programmation de la pompe se fait en utilisant des touches sur le devant de l’appareil. L’écran affiche des menus déroulants comme un téléphone portable ou un petit appareil électronique. Le changement du cathéter doit se faire tous les deux ou trois jours.  Le changement du chargeur est en fonction de la programmation voulue par le médecin.

Un patient jeune et alerte pourrait apprendre à se servir lui-même de sa pompe à insuline. Mais ici, les deux patientes étaient très âgées et malvoyantes. Seules, elles ne pouvaient ni placer la canule ni régler la pompe. Et vu leur âge et leur état, il était peu probable que cette situation changeât.

Alors, sur prescription du médecin, les infirmières se rendaient tous les 2 jours chez ces patientes. Elles retiraient le cathéter puis posaient la pompe tous les 2 jours. Elles cotaient AMI 14 la pose de cette pompe, AMI5 le retrait.

Mais la CPAM a tout à coup décidé que cette cotation n’était pas la bonne. Les infirmières furent poursuivies en remboursement et le traitement interrompu. Dans l’attente de la décision du tribunal, le médecin a dû revenir au traitement par piqûres, plusieurs fois par jour. Moins efficace, désagréable et pas tellement moins cher .

La CPAM fondait sa position sur l’art.10 du chapitre I « SOINS DE PRATIQUE COURANTE, surveillance et observation d’un patient à domicile » et plus particulièrement d’une disposition qui mentionne « surveillance et observation d’un patient lors de la mise en œuvre d’un traitement ou lors de la modification de celui-ci, sauf pour les patients diabétiques insulino-dépendants, avec établissement d’une fiche de surveillance, avec un maximum de quinze jours, par jour : 1AMI »

Absurde, car l’article ci-dessus ne s’applique justement pas aux patients diabétiques insulino-dépendants puisqu’il est écrit en toutes lettres :  sauf pour les patients diabétiques insulino-dépendants.

Et pourtant la commission de recours amiable avait confirmé cette position. A croire que le souci de rééquilibrer les comptes de l’assurance maladie affecterait parfois certaines facultés essentielles.

Une seringue prête à piquer tenue par une main droite couverte d'un gant transparent et la main gauche tenant un coton
un shadock avec un livre ouvert. On peut lire les syllabes : GA-ZO-BU-MEU

Pour ceux qui voudraient savoir pourquoi les shadocks n’ont que 4 mots de vocabulaire : « Ga, Zo, Bu, Meu », la vidéo est en bas de l’article  …

Mieux encore, la CPAM prétendait revenir sur l’avis de son propre médecin-conseil.  Car, avant de coter AMI 14, les infirmières et le médecin traitant avaient pris soin d’interroger le médecin conseil compétent et celui-ci leur avait indiqué lui-même cette cotation, qu’elles avaient appliquée. Las, un an plus tard elles recevaient une notification d’indû.

Le médecin conseil avait pourtant écrit : « après discussion avec le département des actes, celui-ci justifie désormais la cotation d’une séance de perfusion sous-cutanée lors de la préparation du dispositif, son remplissage, le réglage du débit et la pose de la perfusion sous-cutanée, soit AMI 14 ; de même lors de changements de dispositif ».    Il ajoutait : «ces cotations doivent avoir un caractère exceptionnel et transitoire » .

La CPAM se prévalait de ces mots  « exceptionnel et transitoire »  pour prétendre ne plus rembourser ces soins au-delà de 15 jours, et elle avait eu recours (en toute absurdité) à l’art.10 cité plus haut.

Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale rappelle que « transitoire » (de transit) ne signifie pas qu’un état dure 15 jours. « Transitoire » signifie que l’on est dans l’attente d’un texte nouveau qui peut-être est déjà « dans les tuyaux ». Dans l’intervalle, on applique l’ancien, c’est-à-dire ici la cotation des perfusions, car la pompe à insuline n’est autre qu’une perfusion sous-cutanée. Cette cotation est « exceptionnelle » car elle ne doit pas devenir une règle, puisqu’elle est transitoire.

Mais cette cotation est bien AMI 14. Le tribunal rappelle aussi que l’avis du médecin conseil lie la CPAM.  Le tribunal indique enfin que les demandes qui n’ont pas fait l’objet de la notification d’indû (les retraits de la pompe cotés AMI 5) sont irrecevables.

Surtout, dans cette décision,  le tribunal pose le principe général que la pompe à insuline (dans l’attente d’un article spécifique de la NGAP) est soumise à la nomenclature des perfusions sous-cutanées. Et le tribunal ajoute ceci au sujet de la position de la CPAM : « qu’enfin cela revient à priver les patients de soins adaptés à leur état, ce qui est contraire au principe constitutionnel d’égalité ».

Avec cette phrase, un grand pas est franchi. Le tribunal a compris que ce ne sont pas les soignants mais bien les deux mamies qui étaient lésées par cette notification d’indus. Car ce sont les patients, qui ont cotisé toute leur vie, et qui voient les remboursements de soins rétrécir comme la fameuse peau de chagrin*.

un dessin représentant le héros du roman "La peau de Chagrin" de Balzac, accrochant au mur la peau de chagrin, sous le regard d'un personnage équivoque qui l'éclaire avec une lampe à huile.

«Accroché sur le mur à un clou précisément au dessus du siège où il s’était assis, un morceau de chagrin, dont la dimension n’excédait pas celle d’une peau de renard, paraissait projeter des rayons lumineux…
« La peau de chagrin », Honoré de Balzac, 1831

Grands absents de ce contentieux des indus, il importe de rappeler aux juges que les patients sont le sujet principal. Il fallait évoquer ces deux ancêtres à moitié aveugles, aux doigts déformés par l’âge… les voilà qui doivent elles-mêmes trouver comment placer la fine canule sous leur peau ridée qui se dérobe. Leurs tympans roides ne vibrent plus aux signaux d’alerte de l’appareil, leurs doigts gourds tâtent fébrilement les minuscules boutons plastique, alors que la pompe délivre au hasard n’importe quelle dose, dans leur corps déjà épuisé par l’âge.

Le tribunal a compris ce qui se cachait derrière cette notification d’indû. Sa décision nous invite a revenir à l’essentiel : «  Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l’urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d’investigation ou de soins ne doivent pas, en l’état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. » (art.L110-5 CSP).

Mais laissons les deux patientes, désormais bien équipées, déguster cette victoire avec un peu de sucre.

Catherine Marie KLINGLER
Avocat du Barreau de Paris

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Tempête persistante sur les AIS 3 – Le revenu des IDEL rétrécit au passage …

Tempête persistante sur les AIS 3 – Le revenu des IDEL rétrécit au passage …

le naufrage du Titanic au moment où la coque du navire se coupe en deux, et qu'une partie est déjà englouti . Il fait nuit et le ciel est étoilé, aucun autre navire à l'horizon.

«Je m’étais couché depuis dix minutes; lorsque vers 10 h15, je sentis un petit choc, puis un second pas assez sérieux pour inquiéter personne. Cependant les machines s’arrêtèrent.

J’allai sur le pont et j’y trouvai quelques autres passagers venus comme moi savoir pourquoi le vapeur s’était arrêté. Mais personne ne semblait inquiet. ……. »

Récit de Monsieur Lawrence Beesley, passager du canot n°13 du Titanic

Par un arrêt du 28 juin 2017 (chambre sociale 14, 2017/1021), la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE vient encore d’enfoncer un clou supplémentaire dans l’esquif des infirmières libérales.

Alors que le 7 mars 2017, comme nous l’avons rappelé dans l’article « Durée  des AIS 3 : le temps suspend son vol »,  la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation (lire l’Arrêt entier sur LegiFrance) approuvait la Cour d’appel de Pau d’avoir rappelé que 2AIS3 (rebaptisés AIS6 pour l’occasion) correspondent à une durée comprise entre 30 minutes et une heure (et non pas nécessairement à une heure entière), 

« Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable, l’arrêt énonce par motifs propres et adoptés, …, que Mme X… surcotait en AIS 6 les actes de ses collaboratrices, non déclarées comme telles, cotés par elles en AIS 3, que les trois actes pratiqués auprès d’une patiente, cotés AIS 6 duraient, selon cette dernière, cinq minutes, et qu’elle n’avait en aucun cas été douchée par Mme X…, alors que la cotation AIS 6 imposait des soins d’une durée de 30 minutes à une heure ; que coter des soins qui duraient vingt minutes, selon Mme X…, au lieu de 30 à 60 minutes, établit l’intention frauduleuse pour ces soins infirmiers « 

La Cour d’Appel d’AIX en PROVENCE continue d’égrener le credo suivant lequel 2AIS3 = 1H entière, c’est-à-dire 60 minutes et non pas « 30 à 60 minutes ». C’est même assez étonnant car, dans nombre de cas, les Caisses elles-mêmes soutiennent, semble-t-il, elles-mêmes que la cotation 2 AIS3 représente une durée de 30 à 60 minutes, ainsi qu’on en a la preuve dans de nombreux dossiers.

Ici, l’infirmière qui a eu l’imprudence de dire qu’elle travaillait 14 H par jour se voit mécaniquement accorder non pas 34 mais 28 AIS3 par jour :

« Concernant l’amplitude horaire quotidienne, Madame L. ne peut se prévaloir d’un total de 34 AIS3 par jour puisque, se basant sur ses propres déclarations, la caisse a calculé le total des AIS3 sur la base de 14 heures de travail par jour, aboutissant à 28 AIS3 (de 30 minutes chacune, selon la NGAP). »

Ce que l’infirmière a probablement voulu dire, c’est qu’elle agit directement sur le corps du patient 14H00 par jour.  Mais elle a fait abstraction du temps de préparation de son planning, des coups de téléphone constants, de ses temps de trajet, de la réflexion qu’elle fait sur le traitement du patient  (elle y pense probablement encore, pendant des temps que l’on croit être des « repos »).  Le temps « de  travail » de l’infirmier est un concept actuellement compris de manière erronée car tout est traité comme si  l’infirmier était un simple exécutant dont l’activité n’est que manuelle, et qui ne « travaille » que lorsque l’aiguille est dans la veine du patient…..Il y a donc toute une éducation à refaire de ce côté-là. Peut-être vaudrait-il mieux parler « d’activité » que de travail , afin d’éviter la confusion entre le travail d’un soignant et celui effectué sur une machine qui nécessite la présence sur une chaîne de production. C’est là un sujet presque philosophique (lire, lire et encore relire : « la condition ouvrière », Simone Weil : « la première difficulté à vaincre est l’ignorance« ).

L’arrêt est tellement elliptique sur le rappel des moyens des parties qu’on se demande si un pourvoi en Cassation aurait des chances d’aboutir. D’autant que (comme signalé dans un précédent article) la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation approuve, sans même un commentaire, les CPAM d’avoir « décidé » (en vertu de quel texte ?) que le nombre d’AIS3 devait être limité « afin de garantir aux patients une certaine qualité de soins ». Cette pratique de la CPAM est simplement rapportée comme un fait non contestable et qui n’est pas discuté : « l’arrêt retient que la caisse a décidé de limiter le nombre des AI3S quotidiens pour garantir la qualité des soins dispensés à des patients particulièrement dépendants ». (arrêt Cour de Cassation, Chambre Civile, 9 mars 2017 ).

On sait que les infirmiers sont actifs samedi et dimanche, jour et/ou nuit, car la maladie de leurs patients dépendants (ceux qui sont bénéficiaires des AIS3) ne connaît pas de congés ni de trêve. C’est pourquoi ils sont obligés de se relayer à plusieurs pour maintenir ces patients-là (ceux qui sont dans un état souvent proche du naufrage) à domicile. Mais rêvons un instant d’un infirmier qui serait salarié et qui travaillerait 35H par semaine avec les mêmes congés payés (oui payés) qu’un salarié ou un fonctionnaire, et qui ne ferait que des AIS3.

Etant donné le tarif d’un AIS3 (3x 2,65 = 7,95EUR), si l’on prétend qu’un infirmier doit passer 1H00 pour 2AIS3, cela donne un tarif pour 1H00 de 2 x 7,95 = 15,90euros/H brut. Or l’infirmier libéral supporte au moins 40% de charges  puisqu’il paie une partie de ses propres charges sociales (une autre partie étant à charge de la CPAM) mais doit aussi financer son local, son véhicule, le carburant, l’assurance, les parcmètres (beaucoup plus chers que le prix d’une piqûre !), le lavage de ses blouses, le paiement d’une association de gestion agréée, d’un expert comptable, ses repas pris à l’extérieur, la contribution foncière des entreprises,  le téléphone et la consommation téléphonique, son matériel bureautique et de télétransmission , le contrat d’évacuation des déchets de soins (déchets dangereux), ses frais de formation professionnelle, son assurance RC, les commissions que lui prend sa banque pour abriter son compte professionnel, les intérêts sur les emprunts d’acquisition d’un cabinet…..  Il lui restera donc en net 60% de cette somme soit 6,36 EUROS/H.

Un infirmier qui travaillerait 35H /semaine étalées sur 5 jours ouvrables, et qui n’accomplirait que des AIS3  gagnerait donc 6,36 X 35/5 par jour ouvrable soit 44,52 EUROS nets par jour ouvrable. Dans chaque semaine il y aurait 5 jours ouvrables. Il y aurait 5 semaines par an pendant lesquelles par hypothèse (et toujours pour comparer avec un salarié) l’infirmier libéral ne travaillerait pas et ne facturerait pas. Donc il ne resterait que 52-5 = 47 semaines où l’infirmier pourrait facturer et gagner 44,52 EUR par jour.

Donc l’infirmier gagnerait en réalité, par mois, 44, 52EUR x 5 x 47 semaines = 10.462,20EUR soit (divisé par 12 mois ) 871,85EUROS nets par mois. Le SMIC net est à ce jour de 1149,07EUR.

Ce calcul est encore faux car selon certaines associations de gestion agréée, les frais des infirmiers libéraux seraient de 45% et non 40% de leur chiffre d’affaires.

Il faut donc en finir avec la légende des AIS 3 qui constitueraient « l’un des actes les plus rentables » (entendu de la bouche d’une représentante de CPAM devant une Cour d’Appel). Mais ce qui est plus grave, c’est que les patients dépendants (ceux très malades ou en fin de vie) maintenus pour l’instant à domicile, pourraient bientôt se retrouver abandonnés, ou hospitalisés, par le jeu arithmétique d’une diminution du nombre de séances de soins x le nombre d’infirmiers admis à exercer dans une « zone », ou encore par une désertion des infirmiers qui ne pourraient, raisonnablement, survivre, si la progression de ce raisonnement jurisprudentiel se poursuivait.

Catherine Marie KLINGLER – avocat au Barreau de Paris

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Durée des AIS 3 : le temps suspend son vol

Durée des AIS 3 : le temps suspend son vol

Une statue de la Déesse de la Raison. Elle est assise sur un lion, avec la main droite posée sur le lion et la main gauche levée en brandissant une torche

« Descends ô Liberté, fille de la nature,
le peuple a reconquis son pouvoir immortel,
Sur les pompeux débris de l’antique imposture, ses mains relèvent ton autel.
Venez, vainqueurs des rois, l’Europe vous contemple,
Venez sur les faux dieux, Toi, sainte Liberté, viens habiter ce temple.
Sois la déesse des Français ! » 

Hymne à la déesse Raison, paroles de Chénier, musique de Gossec

La Cour de Cassation, chambre criminelle, a rendu le 7 mars 2017 un arrêt concernant une infirmière poursuivie pour fraude sur ses indemnités kilométriques et sur la durée des soins AIS 3.  L’infirmière, confrontée à des allégations de patients dépendants, avait, bien naïvement, communiqué son estimation de ses horaires (on sait maintenant que ces patients ne sont malheureusement pas tous en état de fournir des réponses cohérentes).

Une fois n’est pas coutume, la CPAM n’avait pas poursuivi l’infirmière pour escroquerie (passible de 3 ans de prison) mais pour fausse déclaration en vue d’obtenir des prestations sociales. Ce délit passible de 5000EUR d’amende minimum était (au moment des faits ) prévu par l’art.L114-13 du code de la Sécurité Sociale, qui fut abrogé le 23 décembre 2013. Attention car les faits commis après cette date sont désormais systématiquement poursuivis pour escroquerie : puisque L114-13 n’existe plus, d’un coup de baguette magique de simples fraudeurs se sont transformés en escrocs….

Après avoir balayé les arguments relatifs au « droit de se taire » (introduit par la loi du 27 mai 2014 qui n’était pas encore en vigueur au moment de l’enquête), la Cour de Cassation considère que la Cour d’Appel de Pau a correctement motivé son arrêt en condamnant l’infirmière pour fraude.

On retiendra particulièrement ce passage de l’arrêt de la Cour d’Appel de Pau qui est approuvé par la Cour de Cassation comme étant une motivation correcte :

Attendu que, pour déclarer la prévenue coupable, l’arrêt énonce par motifs propres et adoptés, …, que Mme X… surcotait en AIS 6 les actes de ses collaboratrices, non déclarées comme telles, cotés par elles en AIS 3, que les trois actes pratiqués auprès d’une patiente, cotés AIS 6 duraient, selon cette dernière, cinq minutes, et qu’elle n’avait en aucun cas été douchée par Mme X…, alors que la cotation AIS 6 imposait des soins d’une durée de 30 minutes à une heure ; que coter des soins qui duraient vingt minutes, selon Mme X…, au lieu de 30 à 60 minutes, établit l’intention frauduleuse pour ces soins infirmiers.

La chambre criminelle approuve donc la Cour d’appel de Pau d’avoir rappelé que 2 AIS 3 (ici baptisés AIS 6) correspondent à une durée comprise entre 30 minutes et une heure.

Mais, à quelques mètres de là, deux jours plus tard, la 2ème chambre civile de la même Cour de Cassation rendait un nouvel arrêt le 9 mars 2017 qui consacre une série de décisions sur le même thème, celui des AIS 3.

Et la 2ème chambre civile continue de reproduire l’argumentation des Caisses qui convertissent mécaniquement 34 AIS 3 en 17H00 de temps passé.

C’est ainsi qu’un nouvel arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE (chambre sociale) reçoit la bénédiction de la Haute Cour :

Mais attendu qu’après avoir rappelé que, selon l’article 11 de la nomenclature générale des actes professionnels, la séance de soins infirmiers à domicile, d’une durée d’une demi-heure, comprend l’ensemble des actions de soins liées aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d’autonomie de la personne et que, à plusieurs reprises, M. X… avait facturé plus de trente-quatre actes AI3S par jour, soit plus de dix-sept heures de travail, l’arrêt retient que la caisse a décidé de limiter le nombre des AIS 3 quotidiens pour garantir la qualité des soins dispensés à des patients particulièrement dépendants ; que l’amplitude de travail à laquelle aboutit l’application de ce seuil est donc parfaitement raisonnable ; que la démarche de soins infirmiers (DSI) acceptée par la caisse répond exclusivement à une demande validée par un médecin, portant sur la prescription d’un certain nombre de séances de soins infirmiers par tranches de vingt-quatre heures et pour un patient nommément désigné ; que l’accord, explicite ou tacite, de la caisse ne valide nullement l’activité journalière du personnel infirmier et qu’il ne vaut que si les conditions de délivrance des soins s’accordent aux règles de prise en charge ; Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a exactement décidé que les actes litigieux ne respectaient pas les règles de tarification ou de facturation, de sorte que la caisse était fondée à récupérer l’indu correspondant ; 

La 2ème chambre civile ne semble pas avoir connaissance de ce que, dans de nombreuses affaires, les CPAM reconnaissent elles-mêmes que la 2ème 1/2H entamée justifie un 2ème AIS 3. Cette indication figurait même clairement jusqu’à 2016 (il en a été dressé un constat d’huissier avant que cela ne s’efface) sur le site ameli.fr, dans un guide mis en ligne par la CPAM du HAINAUT (59).

Il y a donc clairement une cacophonie de décisions de Justice, puisque la Cour d’AIX EN PROVENCE (chambre sociale) considère que 2 AIS 3 =1H, tandis que la chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Pau considère que 2 AIS 3= une durée comprise entre 1/2H et 1H. Toutes les deux sont approuvées par la Cour de Cassation, l’une par la 2ème chambre et l’autre par la chambre criminelle, à 48H d’intervalle….

La 2ème chambre civile, tout comme la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, réintroduit la notion d’un quota maximum d’actes puisqu’elle approuve, sans même un commentaire, les CPAM d’avoir « décidé » (en vertu de quel texte ?) que le nombre d’AIS 3 devait être limité « afin de garantir aux patients une certaine qualité de soins ». Cette pratique de la CPAM est simplement rapportée comme un fait non contestable et qui n’est pas discuté : l’arrêt retient que la caisse a décidé de limiter le nombre des AIS 3 quotidiens pour garantir la qualité des soins dispensés à des patients particulièrement dépendants ».

De fait, nous savons que dans certaines zones, cela contraint les infirmiers à refuser des patients (qui ne trouveront pas d’autre infirmier, grâce à l’ingénieux système de numerus clausus autrement appelé « zonage »).

Aucun texte n’est cité pour expliquer ce qui permet à la CPAM (personne de Droit privé) d’imposer une telle limitation ni de la traduire en « qualité de soins ».  Il s’agit là d’une énonciation de ce qui est bien : « l’amplitude de travail à laquelle aboutit l’application de ce seuil est donc parfaitement raisonnable ».

Un dérapage temporel aurait-il ramené parmi nous la déesse Raison et son culte ? Ou alors Saint Louis (1252) sous son chêne ? Ce ne serait pas si mal au fond par les temps qui courent…ces deux personnages nous manquent bien!  mais une question demeure:  qui, de nos jours, serait encore capable d’aller toucher les écrouelles ?

Catherine Marie KLINGLER – avocat au Barreau de Paris

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