Contrat de collaboration : ne changez pas un mot ! 

Contrat de collaboration : ne changez pas un mot ! 

Le portrait de jeune femme de Nicolas Pickenoy de 1632, détourné lors du Getty Museum Challenge. A droite, c'est une photo d'une femme avec des rouleaux de papier toilette autour du cou en guise de fraise du XVIIème siècle.

Détournement du Portrait de Jeune Femme par Nicolas Pickenoy, 1632, lors du Getty Museum Challenge

Le litige

L’affaire concerne un litige entre deux infirmières libérales.

À l’issue d’un contrat de collaboration, l’infirmière titulaire était désireuse de mettre en place un contrat « d’exercice en commun » avec son ancienne collaboratrice, mais les conditions qu’elle proposait n’ont pas été acceptées.

Dans les circonstances très particulières de la pandémie, et pendant la collaboration, une nouvelle tournée de patients s’était développée et chacune des deux infirmières s’en attribuait le mérite.

La titulaire accusait son ancienne collaboratrice de concurrence déloyale, et (entre autres) de s’être installée dans une commune qui lui était interdite par la clause de non-concurrence, ou de non-réinstallation.  Elle lui interdisait tout droit de poursuivre des soins sur la patientèle qui s’était développée pendant la pandémie. L’infirmière titulaire prétendait être « propriétaire de cette patientèle ».

 

D'abord un référé

L’infirmière titulaire a saisi le juge des référés qui, sans doute à cause de la chaleur du mois d’août, a rendu une ordonnance particulièrement sévère puisqu’il

  • ordonne à la collaboratrice, « jusqu’à décision des Juges du fond », de cesser de commettre tous actes de concurrence déloyale en lui interdisant notamment :
  • d’installer son cabinet d’infirmière dans les communes de X et Y et Z
  • de proposer aux patients de continuer à les soigner  et ceci  pour une durée de 3 ans
  • de se servir des moyens logistiques créés pour la tournée n°2 du cabinet sous astreinte de 200 € par infraction constatée passé un délai de 15 jours suivant la signification de l’ordonnance
  • Ordonne la récupération d’une adresse email
  • Condamne la collaboratrice à payer à la titulaire une provision de 2.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et une somme de 1000€ pour ses frais d’avocat.

     

    Pour mieux comprendre ....

    Comme il n’y a jamais eu de « décision des juges du fond » (traduction : décision d’un tribunal au lieu d’un juge des référés) puisqu’aucun tribunal n’était saisi (à part le juge des référés), cela équivalait à une éternelle interdiction de se réinstaller dans les communes de X et de Y et Z.

    Sans le savoir, le premier juge a inventé ce jour-là la clause de non-réinstallation à perpétuité….. violant ainsi le simple droit d’un collaborateur de s’installer où il veut, une fois la durée de la clause de non-réinstallation expirée.

    Certes les décisions de référé sont des décisions rendues de manière souvent un peu précipitée, à juge unique, et ces conditions sont aggravées au mois d’août, période où l’effectif de la Justice est réduit. Les juges se trouvent parfois obligés de siéger dans des matières dont ils n’ont pas l’habitude. La stratégie de saisir un juge d’urgence au mois d’août est donc parfois payante pour le demandeur, ou l’inverse.

    En l’occurrence, cette décision était lourde de conséquences, car exécutoire. Et la Justice, en panne d’effectifs, a mis 20 mois à rendre une décision qui sanctionne celle de première instance.

    Il reste que l’ordonnance du premier juge est finalement réformée par un arrêt plein de bon sens, en plus d’être solidement étayé en Droit.

       

      Les 2 points importants de l'arrêt de la Cour de Colmar

      La conciliation est obligatoire avant tout procès

      une conciliation entre 2 personnages rouge et vert devant le conciliateur qui joint les mains
      1. L’arrêt de la Cour de Colmar rappelle  d’abord l’obligation de tenter une conciliation préalable au Conseil de l’Ordre.

      Cette erreur renvoie directement l’infirmière titulaire dans ses buts, car cela rend sa demande irrecevable.

      L’infirmière titulaire n’a pas respecté la clause de conciliation obligatoire prévue dans le contrat de collaboration, alors qu’elle a attendu 9 mois avant de saisir le premier juge. Il est important d’insister sur ce point, car quasiment tous les contrats de collaboration contiennent cette clause : il est donc prématuré de se précipiter au tribunal car les demandes sont irrecevables si l’Ordre n’a pas d’abord été saisi d’une demande de conciliation.

      Et la conciliation qui serait tentée après avoir saisi le tribunal ne rattrape pas cette erreur. C’est avant, et non après, qu’il faut tenter la conciliation.

      Inutile, aussi d’engager une action disciplinaire après l’échec d’une conciliation, et avant de saisir le tribunal. C’est une stratégie que certaines infirmières utilisent en pensant se présenter ensuite au tribunal avec, en poche, une décision du Conseil de l’Ordre qui influencerait le juge. Mais une décision disciplinaire du Conseil de l’Ordre n’a aucune autorité ni aucune influence sur un tribunal. A moins d’être animé d’un esprit de vengeance (ce qui malheureusement est souvent le cas), cette étape n’est qu’une perte de temps, et d’argent.

      Juste une petite retouche ...

      le tableau de la Joconde détourné. Mona Lisa a un torchon sur la tête et dans ses bras des balais et brosses pour faire le ménage

      2. L’arrêt de la Cour de Colmar souligne la retouche apportée à la clause de non-réinstallation, qui la rend inopérante.

      Accessoirement, l’infirmière titulaire avait cru bon de retoucher le contrat-type de collaboration qu’elle avait téléchargé sur le site de l’Ordre des infirmiers et d’y insérer une modification de son cru. Les mots « se réinstaller » avaient été remplacés par « se faire ».

      Au lieu d’indiquer « celle-ci ne pourra se réinstaller », le contrat indiquait :

      « article 2.  Dans le cadre de cette collaboration libérale, Madame A accorde à Madame B le temps et les moyens nécessaires à la constitution d’une patientèle qui lui sera personnelle. Celle-ci ne pourra se faire sur les communes X, Y et Z et ce pendant trois ans après la fin de cette collaboration.« 

      Or la clause de non-réinstallation ne peut concerner que l’installation du cabinet, pas l’interdiction de constituer une patientèle dans telle commune. Il n’est pas possible d’interdire à l’ancien collaborateur de soigner des patients en fonction de leur domicile, comme si, en raison de leur adresse, ces patients, anciens ou futurs, étaient la « propriété » d’une infirmière.

      Une telle interdiction instaurait une sorte de chasse gardée sur trois communes, pendant la collaboration et ensuite pendant 3 ans. Elle interdisait à la collaboratrice de se constituer une patientèle sur 3 communes (c’est-à-dire sur le rayon d’action du cabinet) pendant la collaboration et ensuite pendant 3 ans.

      Suivant les dispositions de la loi du 2 aout 2005 (art.18) et celles de la convention infirmière du 25 juillet 2007, le collaborateur doit nécessairement pouvoir développer sa patientèle, et ceci évidemment dans le secteur où il est conventionné. Et cette patientèle est celle du collaborateur. Elle ne revient pas au cabinet en fin de collaboration (lire notre article « Le collaborateur infirmier doit pouvoir développer sa propre patientèle« ).

      L’article L.1434-7 du code de la santé publique instaure des zones pour favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de santé.  La patientèle d’un collaborateur se développe donc nécessairement sur le même secteur que le cabinet avec lequel il collabore car c’est la zone où l’ARS lui donne autorisation de s’installer.

      On voit donc bien que cette clause posait problème, sauf pour la titulaire qui estimait qu’elle était « claire » et qu’elle équivalait à une clause de non-réinstallation ; selon la titulaire, l’infirmière n’avait pas besoin de « se faire « une patientèle sur le secteur puisqu’elle ne pourrait pas s’y installer à l’issue du contrat de collaboration.

      La conclusion de l'affaire

       La Cour d’Appel n’a pas été de cet avis :

      « d’autre part, contrairement à ce que soutient Mme A, le remplacement du terme “se faire” par “installe” ou “installer”, est de nature à modifier de manière substantielle le sens de l’interdiction ; en effet dans le cas de “se faire”, Mme B peut s’installer sur les communes de X, Y et z, mais ne doit pas créer sa patientèle avec des résidents de ces localités, alors que dans le cas “s’installe” elle ne peut pas situer physiquement son cabinet dans le dit périmètre. »

      Ainsi cette clause, pour le moins exotique, a été considérée comme insuffisamment claire pour justifier un référé.

      La Cour considère qu’elle ne pouvait justifier les mesures prises en référé par le juge de première instance. Cela lève donc les interdictions prononcées à tort et qui ont tout de même frappé l’ancienne collaboratrice pendant 20 mois, le temps que la Justice puisse revenir sur l’étonnante décision de première instance.

      Cela montre le danger de se procurer des contrats-type et de remplacer un mot par un autre.

      Catherine Marie KLINGLER
      Avocat au Barreau de Paris

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      Le compérage dans les professions de santé

      Le compérage dans les professions de santé

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      L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours

      Ma commère la Carpe y faisait mille tours

      Avec le Brochet son compère

      (La Fontaine, fables , VII N°4)

      Le compérage est une atteinte à la règle du libre choix du professionnel de santé par les patients. Pour qu’il y ait compérage, il faut qu’il y ait une intelligence (entente) secrète entre deux ou plusieurs personnes en vue d’avantages obtenus au détriment du patient ou des tiers.

      Pour un pharmacien il est interdit de partager ses bénéfices avec des tiers, de consentir des commissions. Le compérage est visé actuellement par l’art.R5915-35 du code de la Santé publique qui indique :

      Tout compérage entre pharmaciens et médecins auxiliaires médicaux ou toutes autres personnes est interdit.

      Par définition, le compérage est l’intelligence entre deux ou plusieurs personnes en vue d’avantages obtenus au détriment du malade ou des tiers.

      Pour un infirmier :

      Article R. 4312-29 (Remplacé, D. n° 2016-1605, 25 nov. 2016, art. 1er)

      Il est interdit à l’infirmier d’accepter une commission pour quelque acte professionnel que ce soit.

      Est interdite à l’infirmier toute forme de compérage avec d’autres professionnels de santé ou toute autre personne physique ou morale. On entend par compérage l’intelligence entre deux ou plusieurs personnes en vue d’avantages obtenus au détriment du patient ou d’un tiers.

      Sont notamment interdites toutes pratiques comparables avec des établissements de fabrication ou de vente de produits ou de services, matériels, ou appareils nécessaires à l’exercice de sa profession, sociétés d’ambulance ou de pompes funèbres, ainsi qu’avec tout établissement de santé, médico-social ou social.

       

      Et encore : Article R4312-30 

      Le partage d’honoraires entre infirmiers ou entre un infirmier et un autre professionnel de santé est interdit, hormis les cas prévus dans les contrats validés par le conseil départemental de l’ordre. L’acceptation, la sollicitation ou l’offre d’un partage d’honoraires, même non suivies d’effet, sont interdites.

      Des dispositions semblables existent pour chaque profession du domaine médical ou paramédical.

      Le compérage ne se présume pas, il doit être prouvé. La plupart du temps les poursuites font suite à la dénonciation de concurrents. Ainsi dans les années suivant la dernière guerre, une pharmacie avait été fermée au prétexte que la pharmacienne était l’épouse du médecin du village. Décision heureusement annulée par la juridiction administrative !  (CE, 1er févr. 1946, Dame C. : Rec. CE 1946, p. 33 ; JCP G 1947, II, 3376, note M. Delpech).

      On ne trouve pas beaucoup d’exemples de compérage dans les annales judiciaires, d’autant qu’il s’agit (pour les infirmiers en tout cas) d’une infraction purement déontologique.

      De fait, il s’avère que rares sont les condamnations judiciaires. Devant une juridiction judiciaire, la preuve est très difficile à rapporter. La plupart du temps les décisions rendues le sont à la demande de professionnels qui saisissent l’Ordre ou la Justice pour faire reconnaître qu’un autre professionnel se livre au compérage et demander des dommages et intérêts. Parfois il s’agit de vengeances personnelles à la suite de la rupture d’un contrat (de collaboration par exemple). Mais très rares sont les cas où le compérage est reconnu par les juridictions judiciaires, et ceci faute de preuves.

      Ce sont surtout les Ordres qui condamnent, et cela donne ensuite lieu à une jurisprudence administrative (contre les décisions des Ordres, les recours sont de la compétence de la juridiction administrative, en dernier lieu le Conseil d’Etat).

      L’appréciation de l’existence réelle d’un compérage est une question de fait, largement laissée à l’appréciation des  juges ou des membres du C.O.

      Un homme très grand crie avec un porte-voix sur un homme petit en brandissant son index dans sa direction. Le petit homme, habillé du même costume se bouche les oreilles et plie les genoux en signe de soumission.

      Exemples de décisions disciplinaires :

      Un pharmacien avait adhéré à un groupement fournissant des prestations aux pharmaciens adhérents. Or ce groupement était une société commerciale qui, de son propre chef, avait envoyé un courrier circulaire à des médecins, en leur vantant les avantages que les patients trouveraient dans les pharmacies membres du groupement. Le pharmacien n’était pas l’auteur de cette campagne mais il a, malgré cela,  été condamné pour avoir aliéné son indépendance et pour s’être livré à un compérage. Le Conseil de l’Ordre considère qu’en adhérant au groupement il ne pouvait ignorer leurs pratiques (Conseil de l’Ordre régional des pharmaciens de Picardie, décision 915-6 du 8 novembre 2011).

      Un médecin avait ouvert un cabinet commun avec des infirmières. Le numéro de téléphone était commun et la salle d’attente commune. Poursuivi au Conseil de l’Ordre, il a séparé les salles d’attente et lignes de téléphone. Aucune preuve n’avait été rapportée qu’il ne laissait pas aux patients le libre choix, et le compérage n’a pas été reconnu (Cour d’appel de Montpellier Chambre 1, section B 27 Février 2008 N° 06/02340). Cette décision, à l’ère des « maisons de santé pluridisciplinaires » aidées par l’Etat, parait bien dépassée…

      Comme souvent dès qu’il existe un texte répressif, et alors que les textes sont clairs, les Ordres condamnent le praticien même s’il n’en retire aucun avantage, et ceci dans le cas où le compérage est « habituel » (jurisprudence qui semble établie depuis la  décision  « Sultan » (Rec. CE, p. 648). Cela rappelle fâcheusement certaines décisions fiscales qui déduisent de la répétition d’une erreur que celle-ci est intentionnelle et profite à l’intéressé. Ou encore les décisions qui condamnent au pénal un infirmier pour de simples erreurs, parce qu’elles sont répétées.

      Ainsi un médecin avait envoyé plusieurs patients chez un pharmacien parce qu’il savait que celui-ci disposait de certaines préparations. Ce n’est pas du compérage :  qu’en revanche, la double circonstance que M. C…a, de manière répétée, préparé par lots la pommade prescrite par ce médecin et que celui-ci a admis avoir adressé les parents des enfants qu’il avait vaccinés vers la pharmacie Saint-Joseph au motif que celle-ci aurait été la seule à disposer des isothérapies homéopathiques des vaccins courants ne sont pas à eux seuls, dans les circonstances de l’espèce, et eu égard à la grande proximité géographique de l’officine avec le cabinet du médecin, de nature à faire regarder comme établie l’existence d’un compérage entre ces professionnels ;(Conseil d’Etat 386249 4e et 5e chambres réunies 21 novembre 2016)

      Un autre médecin avait  facturé et fait rembourser sur son compte des actes accomplis non pas par lui mais  par un chirurgien-dentiste. Condamné pour compérage par le Conseil de l’Ordre (il y avait bien d’autres qualifications à retenir que le compérage !!!!) , cette condamnation est confirmée par le Conseil d’Etat qui indique que «  M. P. avait attesté et facturé l’exécution d’actes qui avaient été en réalité effectués de manière habituelle sur des assurés sociaux, du mois de décembre 1992 au mois de mai 1993, par M. Hartmann, chirurgien-dentiste, dans le cadre de l’activité libérale que le requérant avait été autorisé à exercer au sein de son service ; que le caractère habituel de cette activité est de nature à autoriser la qualification de compérage de celle-ci sans qu’il soit besoin de rechercher si le requérant en retirait un bénéfice » (CE, 22 mars 2000, M. P., Req. n° 195615 revue Droit administratif N°5, mai 2000 commentaire 119 ).

      Un laboratoire rémunérait des infirmiers en leur reversant des sommes pour des « prestations administratives » consistant à préremplir des documents  (« saisie de données personnelles médicales, photocopies et scanner de documents, mise en condition des prélèvements qu’ils réalisaient pour faciliter la tâche du laboratoire et lui faire gagner du temps ») . Le compérage n’a pas été reconnu car il y avait des services en contrepartie des sommes (assez importantes ) versées (Cour d’appel de Rouen Chambre civile et commerciale 7 Juillet 2016 N° 14/02308 )

      Une infirmière accuse son ancienne collaboratrice (cas assez classique) de la concurrencer illicitement et d’avoir réalité un compérage avec un pharmacien. Elle est déboutée faute de preuves tangibles (Cour d’Appel de NIMES chambre civile 1, 2 juillet 2013, N°12/01488 )

      Une orthoptiste est installée dans les locaux d’un médecin ophtalmologiste à qui elle verse un loyer. Ce cas est très particulier : un jour le médecin ophtalmologiste lui demande de partir, et il installe une autre orthoptiste à sa place….La première des deux orthoptiste dit qu’il lui a volé sa patientèle. Le médecin dit qu’elle n’avait pas de patientèle puisque c’était lui qui la lui fournissait. Or ce point est démenti parce qu’elle avait des patients de toutes provenance. Incidemment, la Cour fait remarquer que cette « fourniture exclusive de patients » serait un compérage. Par contre le simple fait d’exercer dans les mêmes locaux n’en est pas un (Cour d’appel de TOULOUSE, 09/06207 chambre 2 section 1 , 16 mars 2011) .

      Une infirmière avait acheté la patientèle d’une autre infirmière installée dans un société civile de moyens (deux médecins, quatre kinésithérapeutes, et une infirmière) puis elle décide de s’installer ailleurs. Elle accuse l’infirmière qui a pris sa place dans la S.C.M. de lui avoir volé sa patientèle. Mais il s’avère qu’elle a perdu sa patientèle pour d’autres raisons. L’accusation de compérage n’est pas vérifiée. En revanche la Cour formule un axiome qui élargit considérablement la notion de compérage puisqu’il est indiqué «  Aux termes du code de la santé publique, le compérage entre médecins, entre médecins et pharmaciens, auxiliaires médicaux ou toute autre personne physique ou morale est interdit même à titre gratuit ; le patient dispose d’une liberté absolue dans le choix du praticien, qu’il soit médecin ou auxiliaire, tel infirmier  «  .

      Il semble qu’une petite confusion entre plusieurs règles se soit produite dans cette décision. (Cour d’appel de Douai Chambre 1, section 2 14 Avril 2009 N° 08/05047) .

      On observera pour finir que 8 ans se sont écoulés depuis cette décision, et que la liberté de choix du patient n’est désormais potentiellement plus « absolue ».

      Article L1110-8 du code de la Santé publique

      Le droit du malade au libre choix de son praticien et de son établissement de santé et de son mode de prise en charge, sous forme ambulatoire ou à domicile, en particulier lorsqu’il relève de soins palliatifs au sens de l’article L. 1110-10, est un principe fondamental de la législation sanitaire.

      Les limitations apportées à ce principe par les différents régimes de protection sociale ne peuvent être introduites qu’en considération des capacités techniques des établissements, de leur mode de tarification et des critères de l’autorisation à dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux.

          CM KLINGLER Avocat du Barreau de Paris

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      L’exercice forain des professions de santé est-il encore contraire à leur dignité ?

      L’exercice forain des professions de santé est-il encore contraire à leur dignité ?

      Un camion transportant toutes sortes de denrées comestibles avec en haut l'inscription "Chez MIMI" avec, ajouté en route "infirmière"

      Un arrêt pittoresque rendu par la Cour d’Appel de Toulouse le 10 décembre 2019  réussit à nous décrocher un sourire en ce début d’année plutôt morose.

      L’exercice forain de la profession d’infirmier est interdit par l’article R4312-75 du code de la santé publique, introduisant le code de déontologie des infirmiers dans le C.S.P.

      Qu’est-ce que l’exercice forain ?

      C’est le fait d’exercer en dehors de toute installation fixe remplissant les conditions nécessaires pour accueillir des patients.

      Traditionnellement, pour les soignants libéraux (médecins, chirurgiens-dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes) , l’exercice forain reste une infraction déontologique. L’idée est que ce mode d’exercice est indigne, car il assimile le médecin ou l’infirmier à un marchand ambulant, ou à certaines professions qui s’exerçaient jadis dans des roulottes : « en l’absence de cette interdiction, l’infirmier libéral pourrait théoriquement aménager son lieu d’exercice dans une caravane, et ainsi se déplacer, au sein d’une même localité, suivant le principe du commerce forain. Cette éventualité devient désormais illicite. Il n’est pas convenable pour la profession d’infirmier d’associer la fonction d’un infirmier libéral à celle d’un marchand ambulant…. Nous retrouvons là une règle déontologique traditionnelle qui vise à protéger la dignité de la profession » (Lilane FILLOD-MICHON et Tony MOUSSA « les règles professionnelles des infirmiers », édition Heures de France, 1996).

      Pouah ! on a bien compris que « convenable » et « dignité » ne font pas bon ménage avec « ambulant » et surtout avec « caravane » ! Peut-on encore tenir cette position, à  l’heure où la plupart des métiers (même très honorables) sont condamnés au nomadisme,  répondant aux exigences croissantes du tout de suite et partout ?  Certes ce n’est pas agréable, et cette errance nous rend corvéables sans limites de temps ni d’espace, mais n’est-il pas cruel de nous accuser, en plus, de n’être pas convenables ?

      Alors que l’Etablissement Français du Sang réalise 80% de ses collectes de sang dans des camions spécialement aménagés, il ne viendrait à l’idée de personne de le comparer à un marchand ambulant. Du reste les anciennes roulottes en bois, où l’on disait jadis la bonne aventure, sont devenues des pièces de collection, utilisées comme annexe par les hôtels de charme.

      une photo en noir et blanc de 3 enfants de deux ou trois ans, deux petites filles et un petit garçon. Le petit garçon embrasse l'une d'entre elles pendant que l'autre petite fille regarde d'un air mécontent.

      Chez les médecins…

      Les médecins se voient appliquer la même règle dans leur code de déontologie, et on se rappelle une décision très ancienne qui a condamné un médecin parce qu’il dispensait des consultations dans une chambre d’hôtel (CE 9 octobre 1968, n° 73578). Cela paraît croustillant, mais à la lecture de la décision, on est déçu ! En réalité il s’agissait d’un médecin Parisien qui venait donner des consultations à Toulouse, certaines chez des patients, d’autres dans une chambre d’hôtel.

      Ce n’est pas l’Ordre, mais des médecins de Toulouse qui ont réalisé une enquête « officieuse » puis ont déposé une plainte contre lui à l’Ordre Parisien. Nul doute qu’ils aient été animés par le noble objectif de préserver la dignité de la profession.

      Le médecin nomade, et la juridiction, relèvent que les «procédés (l’enquête)  employés ont pu constituer de la part de leurs auteurs, une immixtion dans une fonction qu’il ne leur appartenait pas d’exercer, ou un manquement au devoir de bonne confraternité » , mais le Conseil d’Etat n’en condamne pas moins le médecin hôtelier.

      L’idée que les médecins doivent recevoir les patients à leur cabinet est actuellement en train de s’effilocher, sous la poussée d’autres exigences, qui ont fait émerger notamment la télémédecine. Même si elle est encore très encadrée, la télémédecine est autorisée par l’article L6316-1 du code de la Santé publique  auquel renvoie l’article L162-3 du même code.

      Des cabines  permettant aux généralistes, voire à certaines spécialités, de réaliser une consultation et une prescription à distance, sont déjà en place.

      Certes la télémédecine ne supprime pas l’exigence d’une installation fixe pour recevoir les patients, mais on peut s’interroger sur le fondement d’une telle exigence, dans la mesure où rien n’interdit (théoriquement) à un médecin de réaliser à distance une grande partie de ses activités, et peut-être un jour la totalité. Cela pourrait, pourquoi pas, devenir une activité spécifique.

      Paradoxalement, le télémédecin détiendrait finalement le record de la dignité, et ne risquerait plus d’être confondu avec un marchand ambulant, puisqu’il ne quitterait plus son cabinet…

      Si l’on en juge par les informations qui circulent sur le web, la demande de médecins prêts à exercer à distance est croissante, et répondrait au problème des « déserts médicaux »… mais pas seulement.

      Le nouveau site de télémédecine « arretmaladie.fr »

      Venu d’Allemagne,  ce site dérange  (on ne vous indiquera pas le lien car il risque de disparaître). Et ce n’est pas l’Ordre des médecins qui a agi en premier contre ce site, mais d’abord l’assurance maladie. Par son titre très accrocheur (et peut-être trompeur), le site risque de faire encore grimper le nombre d’arrêts maladie de courte durée, déjà énorme. Ces arrêts sont coûteux même si la plupart ne sont pas « remboursables » en raison des délais de carence.

      L’Ordre des médecins emboîte le pas et engage à son tour une procédure, dont on attend les suites, et le syndicat des médecins libéraux aussi. Le site docteursecu.fr qui, lui, exerce à distance en toute légalité, va lui aussi « attaquer » le site venu d’Allemagne car, dit-il   « Aujourd’hui, ils utilisent toujours nos liens et renvoient sur notre site. » (article d’Egora)  On est en plein contentieux de l’internet et de la consommation …. et non de la santé. Les enjeux économiques sont palpables.

      Les infirmiers, eux, peuvent difficilement soigner à distance.

      Mais des cabines automatisées peuvent accomplir certains actes à leur place,  comme prendre la tension, les constantes, mettant ensuite le patient en relation avec un médecin distant (article du Figaro, article du journal La Croix).

      Ces cabines, qui relèvent d’une exploitation commerciale et qui ont nécessité des investissements importants, n’ont pas de problème de dignité. Si elles continuent d’avoir du succès, elles feront ce que les infirmiers ne peuvent pas faire : s’installer dans la rue ou dans les EHPAD.

      Mais les personnes âgées s’embrouillent, paraît-il, dans les ordres qui leur sont donnés par ces HAL (1) modernes, et ne savent pas bien y répondre seules.

      Pour les patients dépendants, alors et surtout que le médecin est distant, on a encore besoin des infirmiers et désormais ceux-ci pourront participer à une téléconsultation du médecin, depuis le domicile du patient . Cet acte est coté (Décision du 18 juillet 2019 de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie relative à la liste des actes et prestations pris en charge par l’assurance maladie)

      « II. – A la première partie : Dispositions générales de la NGAP, l’article 14.9.5 est créé :

      « Accompagnement du patient par l’infirmier à la téléconsultation réalisée par un médecin dit “téléconsultant”

      L’infirmier, en tant que professionnel de santé accompagnant, a notamment pour rôle d’assister le médecin dans la réalisation de certains actes participant à l’examen clinique et éventuellement d’accompagner le patient dans la bonne compréhension de la prise en charge proposée.

      Selon la situation, trois codes prestation sont prévus… »

      Rien de changé, donc, pour l’infirmier. Tandis que le médecin se déplace de moins en moins, l’infirmier passe sa journée dans sa voiture et se déplace de plus en plus, tout en étant obligé d’avoir un cabinet.

      Quelle sera l’issue de toutes ces évolutions et des guerres juridiques et économiques qu’elles entraînent ? Voilà un feuilleton qui nous tient en haleine, à côté duquel les décisions récentes concernant les infirmiers paraissent presque désuètes.

      Les  CPAM continuent d’engager des procédures contre les infirmiers pour cause d’« exercice forain ».

      Il n’est pas certain que ce soit pour protéger la dignité des infirmiers.

      Ainsi, en 2015, la CPAM du Var a utilisé l’argument de l’«exercice forain » pour essayer de déconventionner un infirmier parce que sa patientèle était toute, sans exception domiciliée, dans une zone éloignée de son cabinet. Selon la CPAM, cela montrait que l’infirmier avait un « exercice forain ». La CPAM se souciait  surtout de renvoyer l’infirmier à exercer dans l’enclos virtuel de sa « zone ».  Las, la Cour d’Appel administrative déboute la CPAM, car l’infirmier avait bien un cabinet même si aucun patient ne s’y était jamais assis, et rien ne lui interdisait d’avoir une patientèle toute située à 20kms ( CAA de MARSEILLE, 6ème chambre -28 décembre 2015 ) . 

      Outre le contentieux du déconventionnement, c’est celui des indemnités kilométriques pour lequel la CPAM sollicite opportunément  la notion d’exercice « forain ».

      La Cour d’appel de TOULOUSE a jugé le 15 mars 2016  qu’une infirmière qui avait collé une plaque dans une annexe de son domicile n’avait pas de cabinet. L’annexe consistait en une pièce de 8m2 où il n’y avait qu’une machine à laver….le linge ! L’allégation d’exercice « forain » a permis à la CPAM de récupérer toutes les indemnités kilométriques perçues par l’infirmière en 3 ans, puisque celles-ci ne sont remboursables que s’il existe un cabinet pour calculer le point de départ des déplacements. C’est un peu paradoxal d’ailleurs, puisque certaines CPAM nient ce point de départ, et souhaiteraient calculer les déplacements depuis le domicile d’un patient jusqu’à celui du patient suivant.

      Forte de ce succès, la CPAM a ressaisi la Cour de TOULOUSE dans une autre espèce, comptant bien, encore cette fois, récupérer 3 années d’indemnités kilométriques de deux infirmiers. Dans l’espèce qui vient d’être jugée (CA Toulouse 10 décembre 2019) , la CPAM s’est livrée à une enquête en règle, au motif qu’en 2012-2014, selon elle, deux infirmières n’avaient pas de cabinet réel et ne pouvaient dès lors pas facturer d’indemnités

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      « SOS infirmières » lance un appel de détresse à l’Autorité de la Concurrence

      « SOS infirmières » lance un appel de détresse à l’Autorité de la Concurrence

      Le fameux tableau de Géricault intitulé "le radeau de la Méduse" où on voit des personnes désespérées sur un radeau qui vogue sur une mer déchainée.

      « Ceux que la mort avait épargnés […] se précipitèrent sur les cadavres dont le radeau était couvert, les coupèrent par tranches et quelques-uns les dévorèrent à l’instant ».
      (récit de J.-B.Savigny, médecin, survivant du radeau de la Méduse »)

      Après les tribulations de « SOS Médecins », c’est « SOS Infirmières » dont l’activité est, semble-t-il, entravée par les acteurs économiques que cette organisation dérange.

      On se rappelle que SOS Médecins (et les médecins qui étaient affiliés à cette organisation) avaient fait l’objet d’innombrables décisions de Justice : recours de l’Ordre des Médecins contre les médecins qu’elle accusait d’avoir plusieurs domiciles professionnels, démêlés relatifs à la marque SOS Médecins et à des dérivés de cette appellation, etc). SOS Médecins existe depuis 15 ans est a pris la forme d’une société civile de moyens ayant son siège à Paris.

      Dans le même esprit mais sous une forme différente, SOS Infirmières, Infirmières Secours Orléans,  Infirmières Secours Montreuil, Infirmières Secours Cergy-Pontoise, Auxilib, Idel Zen et Libertidel, sont des sociétés de prestations de services qui proposent à des infirmiers libéraux des moyens matériels pour exercer leur profession.

      Sous la dénomination très répandue « SOS Infirmières», à laquelle s’ajoute parfois un numéro de département, on retrouve des structures variées comme une SAS, une Société civile de moyens.

      Mais il est ici question de la SARL (SIRET  48783990400025) ayant son siège à PARIS 13. Les autres sociétés citées dans le recours sont toutes, elles aussi, des sociétés de prestations de services qui tendent à faciliter l’exercice libéral des infirmiers en leur fournissant des moyens matériels d’exercer.

      Les infirmiers qui ont recours aux services de ces sociétés se plaignent d’être discriminés par l’Ordre National des Infirmiers.

      Ils seraient, selon leurs dires, écartés de l’Ordre. Certaines infirmières se seraient même vu refuser leur inscription à l’Ordre (ce qui les place en situation d’exercice illégal) parce qu’elles faisaient appel aux services de ces sociétés.

      A tel point que ces sociétés de service ont saisi l’Autorité de la Concurrence en invoquant un dérèglement du marché et des faits de dénigrement.

      L’autorité de la Concurrence, dans une décision du 18 janvier 2018, a considéré qu’elle n’était pas compétente et qu’il y avait lieu, pour les infirmiers qui seraient victimes de ces agissements, de présenter des recours administratifs contre les décisions de l’Ordre National des Infirmiers. L’Ordre National des Infirmiers est investi de prérogatives de puissance publique, et ses décisions peuvent donc être attaquées devant le tribunal administratif.

      Les sociétés SOS Infirmières et autres se plaignaient aussi de pratiques de dénigrement consistant dans des propos tenus notamment dans la presse. Elles invoquent la parution d’articles qui dénigrent ouvertement leur système de prestations de services, et dont le Conseil de l’Ordre serait l’auteur.

      Mais il s’avère que les propos dénigrants, s’ils ont bien été tenus par un responsable de l’Ordre, l’ont été en sa qualité de représentant d’un important syndicat, et non de représentant de l’Ordre.

      En conclusion, le dossier n’a pas paru suffisamment étayé par des pièces, et l’Autorité de la Concurrence ne peut pas le déclarer recevable ni examiner ces prétendus faits de dénigrement.

      Affaire à suivre…..

      SOS INFIRMIERES, INFIRMIERES SECOURS, IDELZEN et LIBERTIDEL ont fait appel de la décision  de l’autorité de la concurrence, devant la Cour d’Appel de Paris.  Ces sociétés soutenaient que l’ordre des infirmiers pratiquait, à l’égard des infirmiers qui recouraient à leurs services (domiciliation,  secrétariat, mise à disposition de matériel et de consommables) un véritable boycott qui avait pour finalité de les éliminer du « marché » des soins de ville, et ceci par des actes de dénigrement.

      Une partie de leurs demandes a été rejetée parce que la Cour a estimé que cela relevait de la compétence des tribunaux administratifs; il s’agissait de critiquer les agissements de l’Ordre dans le cadre de sa  mission de service public (par exemple son refus d’inscrire certaines infirmières …..). Il en aurait été autrement, si un membre de l’Ordre avait commis une faute « détachable » de ses fonctions, condition que la Cour estime non remplie… et voilà une question évacuée sans avoir eu besoin d’examiner les faits…

      Ensuite la Cour examine s’il y a eu dénigrement et boycott et elle conclut à une insuffisance de preuve.

      Une infirmière avait rapporté des propos tenus en séance du Conseil, tels que « la société XXX n’est pas bienvenue dans le Val d’Oise », « nous réservons un traitement spécifique aux infirmiers utilisant les services de XXX » ou encore mieux, « la société XXX propose un cabinet fictif ».

      Pas très sympa ! Mais la Cour d’Appel de Paris, dans son Arrêt du 20 décembre 2018, estime que tout cela est intervenu dans le cadre des prérogatives du Conseil de l’Ordre (ce qui confirme la compétence des juridictions administratives) et qu’il n’y a pas assez de preuves.

      Voilà une histoire, défendue avec brio, et qui n’est sans doute pas finie, même si semble -t-il cet arrêt est définitif (pas de pourvoi).

      Catherine Marie KLINGLER
      Avocat au Barreau de Paris

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      Le collaborateur infirmier doit pouvoir  développer sa propre patientèle

      Le collaborateur infirmier doit pouvoir développer sa propre patientèle

      un poussin qui protège un oeuf avec une de ses pattes et en s'asseyant dessus

      Le contrat de collaboration infirmier qui ne mentionne pas que le collaborateur peut développer sa patientèle personnelle pendant sa collaboration est nul :

      On croirait enfoncer des portes ouvertes, et pourtant voilà un point qui a fait l’objet d’une âpre discussion, dans un litige opposant une infirmière à son ancienne collaboratrice.

      L’infirmière accusait son ancienne collaboratrice de « détournement de patientèle », au motif qu’elle se serait réinstallée dans un périmètre géographique interdit  par une clause de non concurrence.L’infirmière voulait aussi interdire à l’ancienne collaboratrice, quelle que soit l’adresse de son nouveau cabinet, de soigner des patients, quels qu’ils soient,  dans ce périmètre.

      Dans un Jugement du 29 novembre 2018, le Tribunal de Grande instance d’AIX en PROVENCE rappelle que dans un contrat de collaboration, il doit obligatoirement être indiqué que le collaborateur peut développer sa patientèle propre.

      un enfant attablé à un bureau se pose des questions au sujet d'un livre ouvert devant lui. Sur le bureau 2 piles de livre, une à gauche l'autre à droite. En fond, un mur bleu sur lequel sont 3 points d'interrogation

      PROBLÈME ? un contrat « type » qui avait  été modifié…

      En l’occurrence, l’infirmière titulaire du cabinet avait utilisé le contrat type de l’Ordre des infirmiers.

      Mais elle avait supprimé du contrat toute mention d’une patientèle possible pour la collaboratrice pendant sa collaboration. Elle avait tout simplement effacé cette clause qui lui déplaisait.

      Le procédé s’avère dangereux. Utiliser des formulaires alors qu’on ne mesure pas l’importance de toutes les mentions est déjà périlleux. Supprimer des mentions l’est encore plus, lorsque (comme cela est le cas ici) elles sont obligatoires. Cela peut rendre le contrat nul.

      Certaines mentions étaient supprimées, d’autres avaient été ajoutées. Il était ainsi indiqué que tous les patients d’un certain périmètre « appartenaient » au cabinet X…..

      Une mention bien maladroite, car évidemment les patients n’ « appartiennent » à personne, ils sont libres de choisir les personnes qui les soignent.

      Mais l’intention était claire : pendant la durée de sa collaboration, l’infirmière collaboratrice ne pouvait avoir aucune clientèle, tous les patients qu’elle soignait dans le « périmètre » du cabinet « appartenaient » au cabinet de l’infirmière titulaire. Cela signifiait clairement qu’il lui était interdit d’avoir des patients dans la zone d’installation du cabinet de la titulaire.

      A l’issue de la rupture de collaboration, un litige était né puis s’était envenimé, l’infirmière accusait son ancienne collaboratrice de détournement de patientèle, au motif qu’elle s’était réinstallée pendant quelques mois dans le périmètre de la clause de non concurrence.

      L’infirmière collaboratrice soulevait la nullité de la clause de non concurrence, pour différents motifs.

      une photo de patrick Macnee, dans le rôle de John Steed, la vedette de la série "Chapeau melon et bottes de cuir" . Avec son célèbre sourire énigmatique, il porte la main à son chapeau melon pour saluer.

      Une manière élégante de résoudre la question

      Le tribunal résout très élégamment le litige en ne statuant pas sur la question de la nullité de la clause de non-concurrence.  Cela lui évite de s’interroger sur la durée de cette clause de non concurrence, sur son périmètre. Cela évite aussi de se demander si l’infirmière s’est installée dans le périmètre interdit, et pour quelles raisons.

      Le tribunal  choisit de déclarer nul le contrat de collaboration parce qu’il ne prévoit pas la possibilité pour le collaborateur de développer une clientèle personnelle.

      C’est l’application pure et simple de la loi du 2 aout 2005 sur les petites et moyennes entreprises, art 18 :

      Le contrat de collaboration libérale doit être conclu dans le respect des règles régissant la profession.  Ce contrat doit, à peine de nullité, être établi par écrit et préciser :  1° Sa durée, indéterminée ou déterminée, en mentionnant dans ce cas son terme et, le cas échéant, les conditions de son renouvellement ;  2° Les modalités de la rémunération ;  3° Les conditions d’exercice de l’activité, et notamment les conditions dans lesquelles le collaborateur libéral peut satisfaire les besoins de sa clientèle personnelle ;  4° Les conditions et les modalités de sa rupture, dont un délai de préavis ;  5° Les modalités de sa suspension afin de permettre au collaborateur de bénéficier des indemnisations prévues par la législation de la sécurité sociale en matière d’assurance maladie, de maternité, de congé d’adoption et de congé de paternité et d’accueil de l’enfant.

      Cela montre qu’il ne faut pas imprudemment se servir de modèles de contrat et biffer au hasard des mentions qui peuvent être importantes.

      Enfin, en cas de conclusion d’un contrat de collaboration, non seulement il faut mentionner que le collaborateur peut avoir sa clientèle personnelle, mais de plus il est conseillé, une fois par an au moins, de faire une liste des patients du cabinet et des patients qui sont personnellement attachés au collaborateur. Cela évite ensuite bien des soucis lorsqu’il s’agit de savoir pour quel infirmier le patient X ou Y a choisi le cabinet.

       

      Catherine Marie KLINGLER
      Avocat

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      L’ « accident du travail » d’une infirmière libérale…. abus de langage

      L’ « accident du travail » d’une infirmière libérale…. abus de langage

      une personne en peignoir de bain blanc, tombée par terre dans sa salle de bains, dont on ne voit que les jambes et une main qui se tient un mollet rougi, et des objets épars sur le sol : la brosse à dents, le dentifrice, les pantoufles

      (Sur une interrogation d’une infirmière qui demande si , victime d’un accident à son cabinet, ses frais médicaux seront remboursés)

      La couverture « accidents du travail et maladies professionnelles » correspond à une branche spéciale du régime de la Sécurité sociale qui ne concerne que les salariés et personne d’autre.

      Il est donc erroné de dire qu’un libéral a un « accident du travail ». Qui dit « accident du travail » dit « salarié ». Pour un libéral, il peut y avoir un accident professionnel ou une maladie liée à l’exercice de sa profession, mais c’est un abus de langage de parler d' »accident du travail ».

      Donc deux cas sont possibles :

      1. en l’absence d’assurance volontaire  

      A moins d’une démarche particulière, le libéral n’est pas assuré au régime des accidents du travail puisque ce régime, qui est une BRANCHE  séparée des assurances sociales,  ne bénéficie, de plein droit,  qu’aux salariés. Donc si le libéral remplit une déclaration d’accident du travail sur le formulaire prévu à cet effet, il y a un risque que la Caisse lui réponde  que ce n’est pas garanti, ce qui est vrai, car jamais le libéral n’a été assuré dans la branche accident du travail….. et aucun frais ne sera remboursé.

      La Sécurité sociale est un peu comme une assurance. Donc pour faire une déclaration encore faut-il que l’on fasse la bonne déclaration  dans la bonne branche, autrement dit le bon risque, et qu’on soit assuré . Puisque le libéral n’est pas assuré dans la branche AT (réservée aux salariés) , faire une déclaration d’AT c’est comme déclarer un accident de voiture à l’assurance qui assure un  appartement ….En faisant une déclaration d’accident du travail (alors que ceci ne concerne que des salariés) le libéral risque même de ne pas être remboursé de ses soins puisqu’il ne s’adresse pas au bon régime.

      Il est donc habituellement préconisé  de tout simplement présenter une demande de remboursement de soins comme pour n’importe quelle maladie (peu importe la cause)  et non pas de déclarer un « accident du travail » (qui n’est pas couvert évidemment puisque les libéraux ne relèvent pas de ce risque).

      L’infirmier sera alors couvert exactement comme pour une autre maladie, c’est à dire imparfaitement, par le régime général mais il est faux de dire que ses soins ne seront pas du tout remboursés. ils le seront partiellement, comme dans le régime général (alors que pour les salariés ceux ci bénéficient  du régime AT et sont remboursés à 100%).

      A ce sujet les art L411 et L444 qui sont cités sur les sites des assurances sont là pour faire joli puisque cela concerne (pour le premier) la définition des accidents du travail (qui ne concernent que les salariés) et pour le 2ème la définition de ces mêmes accidents quand ils surviennent hors du territoire français : pour le coup on est, là ,  totalement hors sujet.

      Voir les sites d’information des médecins (qui sont dans le même cas) notamment celui ci qui  explique clairement les choses :

      2. possibilité d’assurance volontaire

      Bien qu’il ne soit pas assuré de plein droit dans cette branche, le libéral peut souscrire auprès de la Sécurité Sociale une assurance spéciale pour bénéficier d’une extension  (partielle seulement) du merveilleux régime des salariés au titre du risque « accident du travail ». Il paie alors une cotisation supplémentaire. Le régime des salariés qui prévoit le remboursement des soins à 100% lui est alors étendu. En revanche il ne bénéficiera jamais des indemnités journalières dont bénéficient les salariés et qui n’existent que pour les gens qui perçoivent des salaires.

       

      Catherine Marie KLINGLER
      Avocat au Barreau de Paris

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